critique &
création culturelle

Festival Francofaune : une bête belge à protéger

L'envoutement façon Noor

Pour la 11e fois d’affilée, le festival Francofaune a dévoilé en ce début d’octobre une cinquantaine d’artistes de la francosphère venus de tous horizons, à Bruxelles (« mais pas que ! »), pour le plaisir des connaisseur·ses et des curieux·ses. Retour sur la nuit du 3 octobre et l’envoutement façon Noor.

Du 2 au 12 octobre 2024, pour la 11e année consécutive, s’est déroulé sur sol belge le festival Francofaune qui « œuvre pour la biodiversité musicale » en mettant sous le projecteur une espèce qui tend à disparaître : les artistes émergents de langue française. Sélectionnés pour mettre en avant la diversité, l’originalité et l’innovation de la scène francophone belge, suisse, française et québécoise, une cinquantaine d’artistes émergents (et confirmés) se sont représentés dans 20 lieux entre Bruxelles, Liège et La Louvière.

C’est dans l’antre d’une ancienne fabrique de piano que se joue le premier acte d’un festival qu’on a suivi en trois temps (ou plutôt trois jours). Un lieu qui s’étire sur plusieurs étages où se sont dispersés les quatre concerts de la soirée du 3 octobre : Chaton Laveur, Noor, Meril Wubslin et Gros Coeur.

19 H 40. La soirée débute par le duo Chaton Laveur composé d’une bassiste multi-instrumentiste à la voix et d’un batteur. Leurs morceaux, minimalistes, s’inscrivent quelque part entre Blood Red Shoes, Cigarette After Sex ou Beach House. C’est un rock froid, progressif, parfois légèrement psychédélique ou infusé d’électro qui se range difficilement dans un style prédéfini. L’accent est mis sur des rythmes répétitifs, des sonorités douces cadrées par une basse nerveuse et une absence de prise de tête dans des textes qui racontent l’histoire d’une goutte de pluie (ou celle d’un dessert). Le groupe autoproclamé « anticapitaliste » le dit sans le dire : il ne se prend pas au sérieux. Le petit plus : leurs voix douces qui s’associent, malgré les difficultés techniques de chanter tout en étant à la batterie.

20 H 15. La soirée se poursuit à l’étage du dessus avec la chanteuse française Noor, qui arrive en excuses quelques minutes après son annonce (« pipi express oblige », dit-elle, la faute au stress). Toute de blanc vêtue, perdue dans l’immensité de la salle aux hauts plafonds, Noor intrigue dès le début. Lumières tamisées, le public est immédiatement plongé dans son univers électro-pop intimiste où elle se met à nu sur des textes qui chantent ses peines de cœur. C’est que « la tristesse lui colle au corps ». Mieux vaut aimer les chansons tristes, car c’est le thème de la nuit. Avec une nonchalance apparente, elle ironise sur les quelques petits couacs techniques qui n’amoindrissent en rien la qualité de sa première prestation en Belgique. C’est probablement son timbre de voix qui mêle puissance et fragilité, sa maîtrise du piano, ses textes gorgés de tristesse et la douceur de ses mélodies qui en font un élixir si envoûtant. Parce qu’elle joue sur la rythmique, une articulation prononcée et que ses chagrins d’amour imprègnent ses textes d’une mélancolie non feinte, elle rappellera Billie Eilish, Imogen Heap (quand elle emprunte le vocodeur) ou Cœur de Pirate. Le petit plus : sa reprise, splendide, de « Glimpse of Us » de Joji et sa présence scénique. Pour découvrir ses titres spleenétiques, encore un peu de patience : elle sort son premier EP le 18 octobre 2024. 

21 H 00. Le trio belgo-suisse Meril Wubslin nous emmène dans un univers rock psychédélique « qui tutoie le tribal », assez minimaliste et froid qui sera pour nous plus difficilement accessible. Le petit plus : la puissance du batteur et la voix cristalline de la chanteuse qui donnent de la texture aux morceaux qui ont parfois tendance à se transformer en jam sessions interminables (même si, assurément, de grande qualité technique).

21 H 40. C’est sur l’énergie cataclysmique du groupe Gros Coeur que se clôture cette première nuit du festival Francofaune. Une performance à la fois funky et électrique qui débute avec le (très judicieusement choisi) titre « Java » (dont on vous parlait déjà ici et qu’on vous somme d’écouter tout de suite) qui donnera le ton au reste du show. Un melting-pot de morceaux rock psychédélique assez upbeat grâce à une basse bien groove et aux influences « tropicales » qui parsèment leurs morceaux (qui tient notamment dans la profusion d’instruments exotiques mobilisés du djembé, bongo, conga au mélodica). Les quatre musiciens échangent des regards complices, ont une énergie détonante qui enflamme rapidement la salle. Le petit plus : une décontraction qui n’enlève rien à leur grande maîtrise technique. Pour en savoir plus, ils ont sorti leur album Gros Disque il y a tout pile un an. Mais ne pas les voir sur scène serait un gros gâchis.

On quitte Pianofabriek le cœur en feu, avec de belles découvertes à partager. Affaire à suivre.

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