critique &
création culturelle

Ouverture de la saison des festivals sur impressions mitigées

Les Nuits Botanique, jour #4

© Alice Khol

Pour nos premiers pas aux Nuits du Botanique, 31e édition du festival organisé par le centre culturel bruxellois éponyme, qui tend à « promouvoir la scène locale belge parmi des artistes de renommée internationale », c’est le triptyque Scarlett O’Hanna – River Into Lake – Timber Timbre qui a ouvert la danse. Une chorégraphie en trois temps aux accents très indie, rock et folk et surtout assez prometteuse, mais qui est malheureusement restée trop sur la retenue et n’a pas réussi l’envolée qu’on attendait. Retour sur une nuit du 28 avril 2024 en demi-teinte, donc.

Si on a déjà écumé l’antre familier du Botanique, avec sa longue baie vitrée encerclée de jardins verdoyants, son corridor martelé d’artistes qui l’ont habité le temps d’une nuit, c’est la première fois qu’on découvre l’espace complètement repensé pour y accueillir le festival. Au programme : une myriade d’artistes éclectiques, de tous horizons (tant locaux qu’internationaux), pour encourager le public à la découverte, du 24 avril au 5 mai 2024. À l’occasion de cette 31ème édition, les jardins se sont encore habillés d’un grand chapiteau blanc (salle du « Chapiteau »), divers stands de street food (avec options vegan), et pour la première fois, ont accueilli des sculptures monumentales et du mobilier urbain (pour symboliser une synergie entre arts plastiques et musique). C’est dans cette atmosphère décontractée de fin de printemps qu’on arrive – après une file interminable et un parcours au pas de course dans les serres parsemées d’œuvres d’art urbain – jusqu’à la salle de l’Orangerie.

19h37 – Scarlett O’Hanna, chemise aux motifs indiens, est déjà au micro aux côtés de son claviériste, carré turquoise. De ce passage éclair (30 minutes) dans la salle pas encore très fournie, on retiendra : le magnifique timbre de voix d’Anna Muchin – qui se cache derrière ce pseudonyme -, à la fois doux et singulier, légèrement éraillé et très polyvalent. Il s’accorde parfaitement au piano sur les chansons plus lentes (malgré quelques problèmes de son) et trouve sa place sur les titres plus agressifs comme « Stick With You » et « Open Doors ». La chanteuse franco-grecque imprègne la salle d’une énergie fluctuante, cadrée par une basse omniprésente, où sa voix tantôt assurée au rythme des percussions peut ensuite se perdre, voire même s’éteindre dans un chuchotement, et laisser planer une atmosphère plus confidentielle. Bien qu’on n’ait pas été transporté (la faute à une setlist si courte qu’elle est peut-être restée trop sombre), le titre « Precious Nothing », tiré de son dernier album, a clôturé très efficacement sa performance express.

20h32 – River Into Lake, groupe belge de pop indé mené par Boris Gronemberger, arrive sur scène pour une expérience collégiale d’envergure. C’est l’énergie qu’on a préférée de toute la soirée, et de loin. Car au-delà du talent incontestable de Gronemberger qui assure voix, batterie et même le chauffage de la salle (avec un lancement de jingle avorté qui aura bien détendu l’atmosphère), on a été totalement ébloui par la qualité musicale du reste de son équipe, qui donne bien du relief à son projet solo. Au clavier, Lucie Rezsöhazy (qui est aussi derrière Oberbaum et Fabiola), à la guitare Cédric Castus, à la basse Frédéric Renaux et la très polyvalente xylophoniste-saxophoniste, Aurélie Muller (du groupe Blondy Brownie et Fabiola) qui participe aussi aux chœurs. Malgré quelques petits problèmes techniques, Gronemberger déride automatiquement le public (« ah ils rigolent bien les copains, vous allez voir ce que vous allez voir ») et offre une performance sublime, technique, maîtrisée. On apprécie particulièrement sa voix douce qui rappelle celle de Damon Albarn, son charisme indéniable, son assurance scénique, résultante probable de ses nombreuses collaborations passées (Girls in Hawaii et Françoiz Breut notamment) et sa simplicité malgré la sophistication de ses morceaux aux sonorités électro « autour des crises d’angoisse par rapport au monde dans lequel on vit […] ». Pour introduire « Don’t Drive Into The Tree », tiré de son dernier album Rise and Shine qui démarre de manière inédite sur des aboiements, il explique dans un petit aparté avec le public que la plupart des morceaux a été écrite dans une roulotte en Ardennes et que chaque soir en été, lorsqu’il fait un feu, un chien aboie. On s’y retrouve téléporté. Coup de cœur immédiat.

21h30 – Arrive enfin Timber Timbre, groupe de folk canadien, tête d’affiche de l’Orangerie pour la soirée. On remarque de suite une présence scénique qui tranche nettement avec la précédente, très (voire totalement) dans la retenue. Ils sont trois sur scène aux côtés de Taylor Kirk (leader du groupe, à la voix) et enchaînent – avec quelques interactions minimales avec le public - des morceaux qui s’éternisent dans de grandes jam sessions assez hermétiques, très percussionnées et qui rappellent tantôt des marches martiales, tantôt de fêtes foraines assez lugubres. L’ambiance est froide et impersonnelle dans une obscurité presque totale qui n’apporte pas de réelle valeur ajoutée à l’atmosphère déjà plutôt sinistre. Contrairement à nos attentes, les titres de la setlist sont restés assez sombres eux aussi, et ce concert qui se conclut en 45 minutes montre en main, laisse planer une certaine déception dans la salle. Le désenchantement du public est palpable, le groupe se fait même huer lorsque les lumières se rallument après un rappel timide suivi d’une « enjoy the festival » et que le second « encore » est nié par le groupe.

L’impression qu’on emporte de notre première Nuit est donc mitigée : la seule performance qui nous a vraiment transportée est celle de River Into Lake, pépite qu’on vous recommande de suivre de près.

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