Heartstopper
L’émotion à l’état brut
Voilà que Netflix sort une énième série pour ado ! Pour autant, il semblerait que cette adaptation LGBTQ+ fasse souffler un vent nouveau. Loin de l’image habituelle d’une adolescence angoissée et torturée, Heartstopper pose un regard optimiste et sincère sur la vie des jeunes, tout en rendant fidèlement compte de ses turbulences.
Heartstopper , ou Coup de cœur en français, raconte la naissance d’une romance entre deux ados, Charlie (interprété par Joe Locke) et Nick (Kit Connor). Le premier est un gay nerd 1 discret qui se remet tout juste de plusieurs années de harcèlement ; le second est le rugby lad 2 hétéro le plus convoité du lycée. Et alors que tout les oppose, du rang social à l’orientation sexuelle en passant par la saveur de leur milkshake préféré, Charlie et Nick vont dangereusement se rapprocher…
Autour d’eux gravitent Tao et Elle, deux BFF 3 à la frontière entre l’amour et l’amitié, ainsi que Tara et Darcy qui viennent tout juste de faire leur coming out . Aux antipodes de ces deux couples attachants et exemplaires de tolérance, on trouve les brutes de l’équipe de rugby, les méchants de l’histoire qu’on évite de croiser dans les couloirs.
Jusqu’ici, rien de très nouveau. Le scénario est vu et revu, et les deux personnages principaux stéréotypés au possible. Tous les codes de la série pour ado classique sont réunis : les cours de P.E. 4 , les ragots de vestiaires, les soirées à l’américaine, les premiers dates au cinéma, sans oublier le traditionnel uniforme des lycées britanniques.
Et pourtant, malgré sa prévisibilité scénaristique et la dose généreuse de bons sentiments qui l’accompagne, Heartstopper détone. En seulement huit petits épisodes de 25 minutes, on est plongé dans un concentré de sentiments à l’état brut. La simplicité à la fois du scénario et du jeu des personnages laisse toute la place à la complexité des émotions.
Tout en étant effrontément sentimental, Heartstopper évite la niaiserie en abordant de nombreux sujets sérieux. On y parle d’incertitude sexuelle, d’homosexualité, de bisexualité, de transsexualité ou encore de harcèlement scolaire, toujours avec un optimisme et une sincérité rafraîchissants. On est loin des clichés de l’adolescence troublée. Ici pas de trash, ni de violence, ni de drogue ou de corps nus. En dépouillant l’adolescence de ces attributs ostentatoires, on la découvre plus pure. Ne restent que l’agitation du sentiment naissant et les nombreuses interrogations qui l’accompagnent.
Heartstopper se joue aussi des codes de la teen série réaliste, introduisant une part de magie dès que l’émotion devient trop intense. Ne vous étonnez pas si vous voyez des petites icônes apparaître à l’écran lorsque Nick et Charlie s’échangent un baiser ou se prennent la main dans l’obscurité. Ces animations sont un joli clin d’œil au roman graphique original. Car Heartstopper , c’est d’abord un webcomic populaire publié en ligne par Alice Oseman , laquelle est aussi la scénariste et créatrice de l’adaptation. Si vous êtes attentifs au montage, vous remarquerez que certains changements de cadre rappellent curieusement les changements de planche en BD.
Autre innovation technique introduite par la série, l’utilisation des réseaux sociaux. Instagram en particulier ajoute une dose de réalisme à la féérie ambiante, et apporte de la profondeur aux personnages. Cette interface ouvre une nouvelle fenêtre sur l’intimité de Nick et Charlie. À travers leurs messages interposés, on mesure le tourment provoqué par un « vu » ou encore la joie inspirée par un « j’aime ». Preuves de la grandeur et de la candeur de leur affection.
Heartstopper offre aussi une esthétique chaleureuse, pop et lumineuse, ainsi qu’ un rythme entraînant. De nouveau, pas de place pour l’obscurité ou la lourdeur. Les événements s’enchaînent tout en préservant la douceur et la légèreté de chaque instant.
Bref, Heartstopper est une bouffée d’air frais dans son genre et un subtil mélange de réalisme et de poésie. Un pari réussi dont on a hâte de voir la suite !