L’auteur Alexis Michalik nous propose avec Intra Muros une habile mise en abyme du théâtre qui s’invite en prison. Si vous aimez être surpris, alors cette pièce pleine de rebondissements ne risque pas de vous décevoir !
Intra Muros raconte l’histoire de Richard, un metteur en scène qui débarque dans une prison pour y donner un cours de théâtre. Son ex-femme, Jeanne, une actrice réputée, l’accompagne pour l’aider à réaliser cet exercice. L’événement est organisé par Alice, une jeune assistante sociale travaillant à la prison. Or, pas de chance, seuls deux détenus se présentent à l’atelier : Kevin, un jeune voyou et Ange, un homme enfermé depuis 27 ans, qui accompagne son ami pour lui faire plaisir.
Ce qui à l’origine a l’apparence d’un simple exercice, se transforme vite en casse-tête. Richard tente tant bien que mal de faire participer les détenus en leur demandant de raconter leur histoire. Après un petit temps d’adaptation, tous les personnages se prêtent au jeu. Leurs discours poignants nous touchent, nous font pleurer et rigoler avec eux : ce spectacle n’est pas uniquement émouvant, mais il fait aussi rire. Humour et émotion se mélangent à merveille. À diverses reprises, les spectateurs sont secoués par les rires face aux répliques ou aux réactions décalées des acteurs.
Petit à petit, la véritable histoire se dévoile : tous les participants sont liés d’une manière ou d’une autre, à nous de le découvrir en replaçant correctement les pièces du puzzle. On se retrouve emporté dans une histoire mêlant crimes et secrets, à croire qu’on est en train de jouer à Cluedo avec les acteurs.
À mes yeux, cette pièce dispose de plusieurs points forts, le premier étant son rythme. À aucun moment le spectateur ne ressent une sensation de lenteur. Tout s’enchaîne parfaitement. Notre cerveau ne cesse de carburer, cherchant le vrai du faux de l’histoire qui nous est racontée. Au lieu d’être passif et de se contenter d’assister à la pièce, ce jeu d’enquête nous permet d’être actif.
Mais pas seulement : la mise en abyme a aussi un rôle important dans l’histoire. Il s’agit d’une pièce de théâtre qui décrit un cours de théâtre dans une prison. Au-delà de ça, les personnages nous interpellent à multiples reprises et brisent ainsi le quatrième mur. Les premiers mots de la pièce sont prononcés par Richard, qui attend du public une réponse bien précise : « Qu’est-ce que le théâtre ? » Tous ces effets font que nous, spectateurs, nous interrogeons constamment.
Cela appelle également à un sentiment d’empathie. Par exemple, lorsque Richard demande à Kevin de raconter un souvenir plaisant de son enfance, celui-ci part dans une longue narration de son histoire tragique. Il interpelle les spectateurs, il crie, se rappelle de ses moments les plus douloureux comme la mort de sa mère, son père qui la battait, ou encore le braquage qui l’a amené en prison. Ces éléments permettent de se rendre compte que derrière cette carapace, il reste un jeune homme blessé qui a choisi la mauvaise route. Même chose pour Ange, l’homme silencieux et imposant de l’histoire. On se demande ce qu’il a pu faire pour passer 27 ans en prison, d’autant plus qu’il a l’air farouche. Finalement, on s’attache à lui au fur et à mesure qu’on découvre les injustices qu’il a vécues sans broncher. Toutes les épreuves des personnages, on les vit avec eux.
Ainsi, Alexis Michalik bouleverse une nouvelle fois par sa création. Une première tournée a permis aux spectateurs français, en 2017, de se familiariser avec l’auteur lui-même comme metteur en scène. Mais en Belgique, il s’agit de Julien Poncet qui s’occupe de la mise en scène. Des acteurs belges ou habitants le plat pays ont été choisis pour incarner les personnages : Edwige Baily (Jeanne), Itsik Elbaz (Richard), Marwane El Boubsi (Kevin), Julia Le Faou (Alice) et Fabrice Rodriguez (Ange). Chaque acteur interprète son personnage avec finesse. Avant d’assister à la représentation, je dois avouer que je ne les connaissais pas. J’ai été agréablement surprise par cette découverte. La raison pour laquelle les personnages nous touchent tant est sans aucun doute grâce aux jeux des acteurs. À aucun moment j’ai trouvé l’histoire surjouée. J’irai presque jusqu’à dire qu’on avait l’impression que personnages et acteurs ne faisaient qu’un.
Les représentations ont débuté le 5/10 et devaient durer jusqu’au 14/11 au Théâtre Public à Bruxelles. Malheureusement, dû à la situation sanitaire, tout a été suspendu. Si les choses venaient à s’améliorer, et que l’envie vous prend d’aller au théâtre, alors laissez-vous immerger par l’univers bouleversant de cette pièce qu’est Intra Muros .