Dans la saga de Christelle Dabos, La Passe-miroir , les écharpes vivent et traversent des mondes bien différents. Un monde d’objets têtus, un monde de fêtes mondaines sans fin, un monde où l’homme n’aliène plus l’homme. Et ce même si celui-ci n’a pas de pouvoir.
Au commencement, nous rencontrons Ophélie. Cette jeune Passe-miroir est l’une des meilleure Liseuse d’Anima, son Arche. Elle peut donc passer d’un miroir à l’autre mais également connaître le passé des objets qu’elle touche. Tout cela en plus de son pouvoir animiste, celui de donner vie aux objets comme sa précieuse écharpe qui ne la quitte pas. Ophélie s’imaginait passer toute sa vie à expertiser et Lire dans son Musée, sur son Arche. C’était sans compter sur un mariage arrangé qui va l’emmener sur une arche où l'hiver règne en maître. Ce n’est pas discutable, elle partira vers le froid du Pôle avec son futur époux, Thorn. Un homme à peine plus chaleureux que son Arche.
Par la suite, Ophélie nous emmène dans son monde. Un monde très différent du nôtre et auquel on s’attache pourtant vite. La découverte des différentes Arches attise et comble notre curiosité à la fois. Nous découvrons le Pôle et Babel par les yeux d’Ophélie et nous sommes clairement aussi décontenancés qu’elle. La seule différence est que nous, lecteurs, pouvons nous raccrocher à l’Histoire et à la mythologie. Les Esprits de Famille nous rappellent les dieux de l’Olympe, la cour et ses excès nous évoquent les seigneurs du XVIII e siècle et leurs valets. On ne passe à côté d’aucun personnage, on ne peut être indifférent à leur pouvoir, à leur personnalité. Chacun à un rôle à jouer et chacun est attachant ou détestable (parfois même les deux) à sa manière. Chapeau bas donc à Christelle Dabos pour la création de cet univers si riche, duquel on ne veut plus refaire surface, une fois que l’on y a plongé.
Autre réussite de l’auteur, celle de son intrigue. Elle évolue au fil des quatre livres mais laisse également place à la découverte page par page des personnages. Le moindre élément utile est relevé de sorte que l’on s’en souvienne sans pour autant que l’énigme ne se résolve. Les pièces du puzzle s’assemblent une par une et on ne peut y voir clair avant que la dernière ne soit posée. La romancière éparpille les indices dans chaque tome, tandis qu’Ophélie nous emmène avec elle dans sa quête.
On ne tarit pas d’éloges non plus sur le travail de Laurent Gapaillard. Les couvertures et les représentations des Arches nous donnent envie de rencontrer ses habitants et d’en découvrir les mystères.
Cette mise en bouche est celle d’une convaincue qui ne vous en dira pas plus. En espérant qu’elle vous aura donné envie de prendre le prochain dirigeable jusque Anima et de traverser les miroirs avec Ophélie.
- Vous sentez-vous capable d'endurer cela?
Reposant la théière d'un geste sec, la tante Roseline se redressa dans toute sa dignité.
- Si c'est dans l'intérêt de ma nièce, je me sentirai même capable de récurer votre pot de chambre.
Ophélie mordit le sourire qui lui vint aux lèvres. La tante avait une façon très personnelle de remettre les gens à leur place.