Le 3 mars dernier sortait La Planète en colère , aux éditions Pan : un curieux ouvrage, à mi-chemin entre livre d’art, carnet d’enfant et ouvrage scientifique, né du tandem Flore et Damien Chemin.
Porté par l’artiste Flore Chemin, La Planète en Colère s’est vu accorder le soutien de la première bourse du multiple Louise Desrosiers, destinée aux ancien·nes diplômé·es de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR). À l’annonce de sa sortie le 3 mars dernier aux éditions Pan, je me suis ruée chez mon libraire pour passer commande. En vérité, je n’ai pas tellement réfléchi au contenu, et je me suis laissée séduire par l’aspect papiers découpés et gribouillages, une esthétique qui me touche tout particulièrement et que j’avais pu entrevoir sur le compte Instagram de Pan .
5 avril. Après quelques rebondissements et un bon mois de retard, je peux enfin tenir entre mes mains l’album aux couleurs vives et au titre griffonné. Tout commence : La Planète en colère, atlas des catastrophes naturelles de la préhistoire à nos jours, une sélection des plus grandes catastrophes naturelles dans le monde. Rien que ça.
L’album est une interprétation libre et artistique de l’ouvrage de vulgarisation
La Planète en colère
de Lesley Newson, une approche initiée par Damien Chemin, copiste moderne, qu’ont rejoint les peintures et dessins de sa sœur Flore, teintés eux aussi d’une passion partagée : les catastrophes naturelles.
Disposées de manière à se répondre, des copies Séyès remplies de pattes de mouche font face à des illustrations, parfois des schémas maladroits au stylo bille, des cartes tracées au feutre, et des peintures à la limite de l’abstraction. La lecture s’avère tout de suite fastidieuse : ce flot d’informations scientifiques, comme recraché par un enfant sur ses copies d’école, me perd à de nombreuses reprises.
J’ai l’impression d’être tombée sur l'œuvre d’un passionné, voire d’un obsédé de sismologie, et ça me rappelle les longues heures passées, petite, à dévorer des livres sur l’Égypte ou les dinosaures. On ressent, entre ces lignes absconses, l’élan fiévreux et méthodique de Damien Chemin, quelque chose d’impénétrable. Je finis par me laisser porter par le visuel – maintenant que je ne sais plus lire, il faut regarder. Il naît des peintures de Flore Chemin une dualité similaire à celle des textes de son frère : le rapport émerveillé aux catastrophes, et le surgissement d’une inquiétude, d’une certaine nervosité. Il faut saisir les faits de la nature, il faut trouver les mots.
Les désastres venus du centre de la Terre remontent peu à peu à mesure qu’on tourne les pages. Du mouvement hasardeux des plaques tectoniques se forment les failles, la roche en fusion, jaillissement de lumière au sommet du volcan. Du cycle normal de la pluie et du vent apparaissent les tornades, qui détruisent et tuent. Et du ciel, sourd et secret, peut tomber la sentence. Je vois, dans La Planète en colère , une forme d’hommage à la Terre, une reconnaissance pour tout ce qui vit entre deux catastrophes. Dans ce rapport très primitif et animiste envers la nature, Flore et Damien Chemin expriment fascination et crainte. Là encore, quelque chose de l’enfance : admirer ce qui est grand, ce qui est loin, ce qui n’est plus.
Poétique et inventif, La Planète en colère est, plus qu’une lecture, une véritable expérience de lâcher prise, et nous entraîne aux confins de la performance : au-delà même du spectacle de la vie terrestre, la trace d’un dialogue complice entre frère et sœur.