critique &
création culturelle

La Vie, en gros au festival Anima 2025

Futur poids lourd de l'animation

Anima, le Festival international du film d'animation, fait son grand retour du 28 février au 9 mars 2025, avec une édition placée sous le signe de l'audace et du rêve. Parmi les incontournables : La Vie, en gros, un long-métrage qui explore avec finesse la quête d'identité, les diktats de la beauté et les pressions sociales. Un film d'animation qui a décidément du poids.

Le Festival International du Film d'Animation de Bruxelles, Anima, annonce son grand retour du 28 février au 9 mars 2025. Une édition placée sous le signe de la rêverie et des mondes parallèles qui promet d’être aussi inspirante que vibrante. Au programme : une sélection pointue de courts et longs métrages, des films d'animation bien sûr, des masterclass, mais aussi des ateliers créatifs. L’occasion de découvrir le meilleur de l’animation nationale et internationale dans les quatre coins de la Belgique. Le festival se déploie entre autres à Gand, à Anvers, à Malines, à Liège, à Namur ou encore à Mons. Cette année, il franchit du reste une étape majeure : déjà reconnu comme qualifiant pour les Oscars1, il l'est désormais également pour les BAFTA. Plusieurs récompenses seront attribuées par un jury de professionnels, des partenaires du festival, ainsi que par le public. Parmi les distinctions phares figurent le prix du meilleur long-métrage, qu'il s'agisse d'œuvres destinées aux adultes ou aux enfants, le prix de la meilleure animation et celui du meilleur court-métrage étudiant.

Parmi cette panoplie de films d’animation, il y a les immanquables. À commencer le 28 février à 20h à Flagey par Memoir of a Snail, le film d’ouverture signé Adam Elliott, une figure devenue incontournable dans l’animation. Sacré par un Oscar du meilleur court-métrage d’animation (en 2004 pour Harvie Krumpet), l’Australien revient avec un film toujours plus travaillé alliant humour noir, réflexion sur la condition humaine et émotion brute. Ordures, le film de clôture, est également à ne pas rater. Le court-métrage réalisé par Benjamin Nuel en stop-motion promet d’aborder le traitement des déchets et de la pollution de manière légère et humoristique.

Anima présente également en coup de cœur La Vie, en gros, une adaptation animée du roman éponyme de Mikaël Ollivier. Kristina Dufková et Petr Jarchovský, la réalisatrice et le scénariste, parviennent à capturer avec émotion et subtilité le parcours de Ben, un adolescent en surpoids confronté aux moqueries, au harcèlement et à la pression sociale liée aux normes de beauté. Grâce à une animation inventive et une mise en scène soignée, le film transforme un récit personnel en une expérience visuelle touchante et universelle.

L’histoire reste fidèle au message fondamental du roman : l'acceptation de soi ne passe pas uniquement par une transformation physique, mais par une véritable réconciliation avec ses émotions. Le personnage de Sophie, la belle-mère de Ben, apporte une note précieuse de bienveillance. Elle incarne une figure de soutien, guidant notre protagoniste vers une prise de conscience salutaire sans jamais lui imposer des injonctions culpabilisantes.

Cette quête d’identité trouve également une résonance dans l’esthétique visuelle du film. L’animation en stop-motion, minutieuse, travaillée et chaleureuse, donne une impression tactile et authentique aux personnages. Les marionnettes à l’apparence de pâte à modeler interpellent immédiatement par leur caractère malléable. Cet élément scénique déformable s’impose comme le support idéal pour explorer des thématiques complexes telles que la puberté et les transformations physiques qu'elle engendre. Chaque détail, du character design à la palette chromatique, semble avoir été méticuleusement pensé pour transmettre une émotion et renforcer la portée narrative de l'œuvre.

Ben, le protagoniste, est animé avec une attention particulière : ses mouvements lents et son regard souvent baissé traduisent son malaise intérieur. À l’inverse, Claire, la fille dont il est amoureux, est lumineuse et pleine d'énergie, portée par une palette de couleurs éclatantes qui contrastent avec les teintes plus ternes entourant Ben. On se retrouve dans un mélange entre la thématique d’un teen movie et une esthétique qui se rapproche de l’univers de Tim Burton. Ce choix visuel devient une métaphore subtile de la perception que Ben a de lui-même et des autres.

Les rêves éveillés du protagoniste, où il se projette dans des scénarios romantiques et héroïques, sont mis en scène grâce à des séquences oniriques où l'animation se fait plus fluide et exubérante. Ces moments de fantaisie contrastent brutalement avec la réalité crue de sa descente dans une spirale de boulimie et d’isolement. L'animation accompagne ces transitions émotionnelles avec une sensibilité remarquable, créant un équilibre entre légèreté et profondeur.

La bande sonore joue également une place centrale dans le film. Originale, vibrante et audacieuse, elle devient une prolongation des émotions, soulignant les moments clés de l'évolution de Ben, notamment ses performances musicales avec son groupe. Elle devient une extension de ses émotions, oscillant entre joie libératrice et douleur.

Avec La Vie, en gros, Kristina Dufková et Petr Jarchovský livrent une adaptation osée et émouvante qui transcende le simple récit adolescent pour offrir une réflexion profonde sur les diktats sociaux et la nécessité de s’accepter tel que l’on est. Une œuvre résolument actuelle, à découvrir pour son esthétique unique et son message universel. Un film à ne surtout pas manquer le 1er mars à 14h à Flagey, et à partir du 16 avril dans toutes les salles de Belgique.

La Vie, en gros

De Kristina Dufková et Petr Jarchovsky
Tchéquie, 2024
79 minutes

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