L’année prochaine à Paris
Parmi la sélection du prix des lycéens, on retrouve L’Année prochaine , premier long-métrage de la réalisatrice belge Vania Leturcq. Si le pitch semble d’un classicisme éhonté, on réalise bien vite que le film cache une seconde couche bien plus intéressante.
Le prix des Lycéens du cinéma
Le prix des Lycéens du cinéma est une récompense remise chaque année par un jury composé exclusivement d’élèves du secondaire. Cette année, ce jury bat le record : 7 000 élèves participent à l’élection du lauréat. Ceux-ci devront donc choisir, d’ici la fin de l’année scolaire 2015-2016, une œuvre parmi les cinq productions retenues pour le concours. Un bon moyen pour eux de découvrir un cinéma belge francophone. Retrouvez la critique de ces cinq films dans notre dossier « Prix des Lycéens du cinéma 2016» sur Karoo.
Clothilde (Constance Rousseau) et Aude (Jenna Thiam) sont des amies d’enfance qui ont passé toute leur vie dans un village provincial dont on ne connaîtra jamais le nom. Elles sont sur le point de décrocher leur bac et la question de l’après, la question de l’année prochaine, se pose naturellement. Si Clothilde ne rêve que de s’enfuir à Paris pour y mener des études de philosophie, Aude ne semble pas aussi enthousiaste. Elle se laisse néanmoins entraîner dans l’aventure après que son amie a envoyé ses dessins à plusieurs écoles parisiennes. Et cela, à son insu.
L’Année prochaine se présente au premier abord comme un film d’apprentissage somme toute assez classique. On suit le parcours de deux jeunes filles différentes dans leur vécu ou leurs objectifs mais qu’une amitié, qui semble à toute épreuve, lie pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, on s’intéresse à leur arrivée à Paris et à leur découverte des choses de la vie : l’amour, les études. On réalise très vite que les deux protagonistes voient la vie de manière différente. Si Clothilde se concentre à 100 % sur sa réussite et sa vie professionnelle, n’hésitant devant rien pour atteindre ses objectifs, Aude semble perdue et n’arrive pas à se faire sa place dans cette jungle urbaine. Leur perception divergente des choses ne fait qu’envenimer leur amitié, devenue chancelante. Et ce n’est finalement qu’arrivé à la moitié du film qu’on se rend compte du sujet que Vania Leturcq a voulu traiter.
Car en réalité, l’Année prochaine n’est pas seulement une histoire d’apprentissage, c’est avant tout une chronique sur l’égoïsme, la manipulation et la domination que peut comporter une relation humaine, avec toutes les conséquences que cela entraîne. À ce titre, Clothilde devient de plus en plus odieuse au fur et à mesure que le film avance. Bien que celle-ci soit d’abord présentée comme le maillon frêle et dominé du duo, le spectateur se rend très vite compte que c’est elle qui tire toutes les ficèles sans tenir compte des autres, tout ça de manière presque inconsciente. La psychologie de ce personnage torturé est d’ailleurs très bien rendue par le jeu de Constance Rousseau qui, par son dédain naturel, parvient à nous montrer toute la froideur et la naïveté d’un personnage qui, sans le vouloir, devient vite détestable.
Mais la palme du film revient cependant à Jenna Thiam (Aude), qui incarne l’autre pendant de cette relation. On regarde l’actrice nous présenter une palette d’émotions pendant que son personnage subit pendant presque une année la domination de celle qui est supposée être son amie. Enfin, lorsqu’on assiste à sa rébellion, on ne peut s’empêcher de jubiler tant l’actrice nous fait vivre son rôle. Et si ces personnages, qu’on les aime ou qu’on les déteste, nous font nous impliquer à ce point, c’est sans aucun doute grâce à la manière dont Vania Leturcq parvient à nous décrire une jeunesse actuelle, de manière réaliste et sans trop de stéréotypes.
Bien que le film soit vendu comme une comédie dramatique, l’aspect « comédie » s’estompe rapidement au profit d’une dimension plus noire et presque malsaine. C’est d’ailleurs grâce à ce côté sombre que l’Année prochaine parvient à se démarquer du film adolescent de base, pour finalement nous dépeindre une vision moins plaisante, mais autrement plus réaliste de cette période tourmentée de la vie.