La Compagnie Point Zéro propose une plongée dans une esthétique théâtrale multi-modale et expérimentale à travers le prisme de l’esprit humain : que se cache-t-il dans un esprit inconscient et, surtout, comment le porter sur scène ?
Un bruit de moteur. Un crissement de pneus. Dérapage incontrôlé, un véhicule vient de se pulvériser quelque part. Rideaux. Les spectateurs découvrent une scène épurée, un hôtel peut-être, coincé entre réalité et rêverie, dans lequel évolue Vincent (Léopold Terlinden) alors qu’il se découvre inconscient dans un lit. En observant ce corps devant lui, son corps, Vincent sort une caméra pour retracer le fil des événements et les divagations de son esprit inconscient. Rapidement rejoint par Eve (Colline Libon), Gloria (Taïla Onraedt) et le Magicien (François Regout), Vincent repasse les souvenirs brouillés de sa soirée de mariage un peu trop arrosée, tout en se perdant dans ce qui semble être des bribes de rêves parfois délirants.
Les tableaux se succèdent ainsi, et on comprend que l’accident de voiture subi par Vincent et les autres protagonistes n’est qu’un prétexte à l’exploration de sujets beaucoup moins tangibles : le sommeil, le rêve et les fluctuations du réel. « Comment représenter l’activité d’un cerveau qui vit peut-être ses derniers instants ? » , c’est la démarche artistique qui a guidé Jean-Michel d’Hoop, metteur en scène de L’Errance de l’Hippocampe , professeur à l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) et fondateur de la Compagnie Point Zéro en 1993. S’étant déjà distingué pour l ’ Herbe de l’oubli (élu meilleur spectacle au Prix Maeterlinck 2018), la compagnie bruxelloise, à travers l’impulsion de Jean-Michel d’Hoop, cherche à explorer l'objet théâtral à travers, entre-autre, une esthétique multi-modale. Il dit aussi voir Point Zéro comme « [...] un miroir de foire déformant, une loupe plaquée sur nos monstruosités, un catalyseur d’émotions et de plaisirs, une proposition de vivre le théâtre autrement, une tentative de réconciliation entre un art extrêmement pointu et l’extrêmement populaire. »
L’esthétique de la pièce est particulièrement bien travaillée et elle prouve ainsi que le théâtre n’a rien à envier aux autres arts visuels. La pièce tire justement sa plus grande force de l’incorporation d’une multiplicité d’arts et de manières de montrer. Les comédiens déploient ici leurs divers talents entre maîtrise de la danse, du chant, des tours de magie ou du saxophone et l’utilisation de la caméra sur scène. C’est sans doute cet élément-là qui m’a le plus marquée, car il permet de diversifier les points de vue et d’offrir un tout autre regard sur un événement : celui du comédien qui tient la caméra. Alors que ce qui est filmé est diffusé en quasi-direct sur l’écran de la scène, l’angle de la caméra et le petit décalage entre ce qui est joué et ce qui est diffusé créent une ambiance toute particulière, qui s’apparente souvent à une étrangeté inquiétante.