critique &
création culturelle

Olivetti · Folon

Machines à affranchir

Jusqu’au 15 septembre 2024, le Design Museum Brussels expose l'œuvre publicitaire méconnue de Folon. Durant trente ans, l’entreprise italienne Olivetti, spécialisée dans les machines à écrire, a commandé de nombreuses affiches et produits dérivés au peintre bruxellois. Cette courte exposition rassemble ces créations originales qui interrogent notre société industrialisée.

En 2024, plusieurs musées bruxellois mettent à l’honneur Jean-Michel Folon qui aurait eu 90 ans cette année. Nul besoin de présenter ses sculptures et ses paysages imaginaires dans lesquels des personnages minimalistes se promènent. Olivetti · Folon, c’est la rencontre en 1962 entre un aquarelliste rêveur et une grande marque industrielle. Mais pas de panique, on retrouve bien la délicatesse de Folon qui insère un message engagé dans sa peinture publicitaire.

Lettera 32 - Olivetti per tutti, 1968

Le court-métrage d’animation Le Message, projeté au milieu de la visite, nous aide à comprendre l’objectif de cette collaboration. Dans une ville silencieuse aux buildings écrasants, un petit homme découvre une machine à écrire Olivetti. Il sautille de lettre en lettre jusqu’à ce que son texte, plié en un avion de papier, s’envole au-dessus des nuages. Folon sublime une simple machine à écrire en faisant de l’écriture un moyen de gagner sa liberté, un de ses sujets de prédilection. Il est inhabituel de percevoir un tel sens derrière une publicité pour des claviers métalliques.

« Le Message », 1969

Mais de quoi l’utilisateur de la machine à écrire veut-il se libérer ? Artiste engagé dont on retient surtout l’illustration de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1989, Folon peint ici sa vision critique de l’industrie. Il est séduit par la marque Olivetti qui améliore les conditions de vie de ses ouvriers et souhaite le montrer. La question sociale est abordée par le prisme de ce que l’usine fait à la nature humaine. Sur ses traditionnels paysages de collines colorées, viennent se dresser d’immenses immeubles monolithiques. Quelques personnages discrets, tous identiques, évoluent dans une ville inanimée, traduisant l’ordre oppressant et aliénant du capitalisme.

Ce regard naïf sur la question sociale apparaît comme un moyen idéal pour montrer aux plus jeunes le poids des machines et du béton sur notre quotidien. Mais Folon va plus loin. L’évasion, incarnée par les produits Olivetti, rend possible le rêve d’une nouvelle industrie et d’un paysage affranchi de ces blocs géométriques. 

Folon, « Je vous écris d’un pays lointain », 1972

L’exposition est complétée par des documents qui brisent le quatrième mur des tableaux. On déchiffre les commentaires du peintre sur un brouillon d’aquarelle, on le reconnaît sur quelques photos en train de fumer une cigarette avec des designers italiens. En comparaison avec les couloirs surnaturels et envoûtants de la Fondation Folon, cette collection est à voir comme un exposé captivant sur une collaboration inédite. Pour aller plus loin, le Design Museum Brussels nous invite dans son jardin le 22 août, pour découvrir un documentaire consacré à la vie de l’homme derrière le pinceau.

Si vous êtes de passage dans le quartier du Heysel, ne manquez pas ce mariage extraordinaire entre la douceur de l’aquarelle et la brutalité du capitalisme. Qu’est-ce qu’on aime Folon !

« He needs an Olivetti calculator », 1962

Olivetti · Folon

Marcella Turchetti et Paola Mantovani
Design Museum Brussels
Du 10 avril jusqu’au 15 septembre 2024

Voir aussi...