Piroux… Picsou… Non Piraux ! Jean-Luc Piraux débarque sur scène pour conter la banalité et la complexité d’une chose : sa vie. Touchant et extrêmement drôle, il nous emmène dans un spectacle d’une heure dix d’émotions.
Dans Rage dedans , l’écrivain et acteur décrit sa chute, quelques années plus tôt. Alors qu’il s’apprêtait à jouer un spectacle, il arrête tout. Il ne peut plus continuer comme ça. En décembre 2018, pour sa santé physique et mentale, il se fait interner. Piraux revient donc, trois ans plus tard, en plus grande forme que jamais. Bien décidé à nous faire rire, il enchaine les histoires et les anecdotes, ramenant le public avec lui trois ans plus tôt, alors que tout se terminait. Il nous parle de sa vie, de son couple, et puis de cet internement qu’il assume et partage avec tous. Si le public au départ est sceptique, peut-être effrayé par cet homme qui promet de nous raconter sa déchéance, il est bientôt surpris par ses propres rires. En effet, Jean-Luc Piraux parvient, sans rien perdre de la dimension tragique de son récit, à s’approcher du public, à le faire rire à gorge déployée. Dans le cadre parfois trop guindé du théâtre, il brise les murs et rapproche les gens, le public devient membre à part entière du spectacle et est touché par cet homme, seul sur scène, qui parvient à l’agripper ainsi.
L’heure que dure le spectacle parait bien courte alors que je ne fais que rire et échanger avec cet artiste sur scène qui offre sa vie, et me permet de participer. Son ton reste toujours drôle et juste. Il frôle alors la performance, le one man show et le théâtre, mélangeant les genres, exploitant des effets dramatiques et jouant des personnages multiples. Car Jean-Luc Piraux ne se contente pas de se présenter à nous, il présente aussi tout son entourage. Par moment, il est cette voisine qui le critique sans vergogne alors qu’il a le dos tourné, il est sa femme perdue et vieillissante, il est cet ami de l’asile qui l’accompagne dans sa guérison. À d’autres, il devient même cette jeune fille, internée car trop follement amoureuse, désespérée de pouvoir rejoindre un jour son grand amour, touchante et troublante à souhait. Malgré l’enchainement des évènements et des personnages, jamais je ne me suis sentie perdue. Jamais Piraux ne nous abandonne, il nous balade à travers son univers et réussit à nous faire percevoir toute la puissance derrière le rire.
À 21 ans comme à 60, les gens s’esclaffent dans la salle. Personne ne semble laissé de côté. Certains rient fort, d’autres timidement. Dans un monde où Orelsan qualifie la jeune génération de « génération burn-out », il nous questionne avec douceur sur notre société névrosée, sur la dépression qui semble tous nous toucher directement ou indirectement, en choisissant de rester dans la vérité et la sincérité. Il dévoile alors la douleur de celui qui doit partir, quitter la scène pour son propre bien, renoncer pour mieux revenir. Celui qui cherche à sortir de la dépression avec rage alors même que la société ne lui laissait pas le temps de prendre une pause. Véritable clown triste, il nous fait rire aux larmes et prendre conscience de la profondeur et de l’importance de ses mots.
Ce spectacle m’aura finalement fait beaucoup de bien. Dans une situation actuelle parfois désespérante, il transmet l’espoir et l’amour de la vie. Je conseillerai cette pièce à tous, même aux plus réfractaires au théâtre. Piraux saura vous prendre aux tripes.