Hi Mom! de Brian de Palma
Scène culte (32)
Nouvelle scène culte sur Karoo : aujourd’hui la scène BE BLACK BABY, dans Hi Mom ! (1970) de Brian de Palma !
Sous ses airs de comédie, Hi mom ! est un film engagé et subversif, une critique affûtée de son époque. Sorti en 1970, ce film prend position face à la guerre du Vietnam, dépeint une société américaine imbue d’elle-même, mercantile et abreuvée de télévision, il formule un discours politique explicite et fait référence, notamment, au Black Panther Party.
Le synopsis : Jon Robin (Robert de Niro) a une idée lumineuse, il veut réaliser un film voyeuriste et salace en espionnant l’intimité de ses voisins. Alors que ce projet tombe à l’eau, il se présente à un casting et rejoint une troupe de comédiens afro-américains, activistes de la « révolution noire ».
En noir et blanc et caméra à l’épaule, leur spectacle filmé apparaît à l’écran comme diffusé par la « N.I.T., Télévision Intellectuelle Nationale » , sous ce titre :
Be black, baby ! Le théâtre de la révolte.
C’est plus qu’une pièce de théâtre, c’est une performance. Le public, un groupe de blancs, est initié par un groupe de noirs. Ça commence calmement, ils sont invités à fermer les yeux et toucher la personne noire qui leur fait face. Ils tâtent la peau, les cheveux… « C’est comme une éponge. » « Je m’attendais à de la laine d’acier, mais c’est tout doux. »
L’expérience est immersive, il faut « bouger noir », « manger noir ». Malgré leurs réticences, ils obéissent et deviennent vite les acteurs d’une satire radicale qui dénonce le racisme.
Puis les visages blancs sont maquillés de noirs et les noirs deviennent blancs, les rôles s’inversent en même temps que les rapports de force.
Victimes de toutes les injustices, les noirs sont molestés, dépossédés de leurs biens, insultés, méprisés, en un mot : opprimés. La scène monte en intensité, en huis clos suffocant, la caméra bouge dans tous les sens. Des cris, des pleurs, des coups, une femme est assaillie, déshabillée, violée…
Mais que fait la police ?
C’est alors qu’intervient l’homme de la situation, Jon Rubin, qui incarne parfaitement son rôle : un policier blanc qui défend les intérêts des blancs, contre toute objectivité. Il enfonce le clou. Avec ce flic, la légitime défense ne sera jamais du côté des noirs.
« Be black, baby ! Be black ! Vous avez aimé le spectacle ? »
À la sortie, les participants sont essoufflés, ensanglantés, choqués. Puis ils reviennent à eux, ils redeviennent blancs, pour conclure : « C’était une expérience vivifiante ! »
Dans la suite du film, le personnage de Jon Rubin se tourne vers la guérilla urbaine et le terrorisme révolutionnaire. Il s’enfonce dans la violence et dans l’absurde.
Hi Mom! est un film clair, efficace, presque pédagogique. Si c’est un film bavard, c’est surtout une démonstration visuelle qui atteste du pouvoir de l’image : surcadrages, écrans de télévision, posters, vitrines… la mise en abyme est permanente et vertigineuse, redoublée par la figure de Jon Rubin, tour à tour spectateur, voyeur, filmeur, acteur. L’arrière plan également n’est pas anodin : des policiers qui passent matraques en main, des femmes qui se crêpent le chignon, un homme qui est abattu… Le cadre est débordé, tout le monde y est happé. Brian de Palma ironise sur les ressorts de la télé-réalité, qui véhicule tantôt une image enjolivée, tantôt une image outrancière et démente de l’Amérique. Et coûte que coûte, cette Amérique est prête à tout pour que le spectacle continue.