Avec Vortex, Gaspar Noé nous offre une magnifique leçon de vie, qui nous rappelle que toute existence, longue soit-elle, a une fin. Grâce à une immense Françoise Lebrun et un touchant Dario Argento, le réalisateur livre son œuvre la plus sincère et intime. Expérience cinématographique inoubliable, Vortex est un grand moment de cinéma. Carpe Diem .
Oubliez tout ce que vous connaissez de Gaspar Noé . Dans Vortex , pas de sang, ni de plan de caméra acrobatique. C’est à la suite du décès de plusieurs proches que Gaspar Noé a voulu réaliser un film traitant de la vieillesse et de la dégénérescence mentale. Pour montrer au mieux ces thèmes , il a choisi de construire son récit en utilisant la technique du split screen (écran divisé) où le spectateur peut suivre l’évolution de deux personnages en même temps.
Le film nous plonge dans un appartement parisien où l’on suit le quotidien d’un couple de retraités. Pour camper ces rôles, Gaspar Noé n’a pas hésité à s’entourer de personnes qu’il admire. Dario Argento, grand nom du cinéma d’horreur italien à qui l’on doit notamment Suspiria , incarne un critique de cinéma à la retraite en pleine écriture d’un livre sur le cinéma et les rêves. Françoise Lebrun (connue pour son rôle de Veronika dans La maman et la putain de Jean Eustache) joue le rôle de sa femme, une ancienne psychiatre. Au milieu du couple, le fils, interprété par un Alex Lutz tout en sobriété, essaye tant bien que mal d’aider ses parents en proie à la dégradation mentale.
Habitué des ouvertures psychédéliques, Vortex commence sobrement avec le clip de la chanson « Mon ami la rose », interprété e par Françoise Hardy. Choix qui n’est pas anodin car le morceau, qui est un hommage à l’actrice Sylvia Lopez décédée à 26 ans, a pour thème la vie et la mort. Après cette introduction musicale, nous découvrons le couple se réveillant en même temps que l’écran se divise en deux. En utilisant le split screen pour montrer l’évolution des deux personnages principaux, Noé installe déjà une épreuve pour le spectateur : suivre deux personnes en même temps. Quelque peu déstabilisant au début, ce double écran trouve surtout son intérêt et sa puissance émotionnelle dans la dernière partie du film.
Vortex est un film qui porte en lui-même une certaine lourdeur, dans le sens où il aborde un sujet difficile et extrêmement sensible. Mais Gaspar Noé n’est pas un metteur en scène comme les autres. Dans la lignée d’ Amour de Michael Haneke (qui suit également un couple de personne s en fin de vie), Vortex touche en plein cœur et déstabilise. La sobriété dans sa réalisation compose en grande partie sa réussite. Nous suivons les aléas et les moments de liesse d’un couple réalisant que le corps est sous l’emprise d’un temps qui s’avère sans pitié. Ce qui met en lumière une question que l’on pourrait tous se poser un jour ou l’autre : comment vivre et gérer la lente destruction psychique de l’être qu’on aime ? Parfois proche du documentaire à la manière d’un épisode de Strip Tease , Vortex trouble tant on a l’impression d’assister à de véritables scènes de vie.
Avec une durée de 2 heures 10, Vortex demande du temps et une certaine patience afin d’être pleinement apprécié. Une fois que l’on en comprend les enjeux, la puissance émotionnelle du film se révèle et on en ressort assommé et rempli de questionnements. Œuvre d’une grande sensibilité et nous mettant face à des questions qui dérangent, Vortex est un spectacle qui se ressent avant tout. Comme le dit Philippe Nahon dans Irréversible : « Le temps détruit tout . »