@Anima2017
Belladonna
11 mars 2017 par Gaspard Breny dans Cinéma | temps de lecture: 4 minutes
Le Festival Anima est terminé, mais nos rédacteurs n’ont pas fini de vous en parler ! Dans cet article, Gaspard Breny revient sur Belladonna, film aussi déroutant dans sa forme qu’intemporel dans son propos.
Produit dans les années 1970, Belladonna est le film de conclusion d’une série de longs métrages visionnaires mêlant érotisme, horreur et psychédélisme. Cette vague fut lancée par Osamu Tezuka, illustrateur de génie, considéré comme le père du manga moderne.
Dernière œuvre produite par un studio au bord de la faillite, le film concourut en 1973 pour l’Ours d’Or du festival de Berlin avant de sombrer dans l’oubli. Il faudra attendre 2004 pour que le long métrage soit redécouvert et que l’œuvre acquière peu à peu le statut d’œuvre culte, au point d’être programmée au festival Anima en 2017.

Le film d’Eiichi Yamamoto déroute d’abord par sa forme. D’un point de vue purement graphique, il présente un savant mélange de diverses influences : les scènes bucoliques empruntent à l’Art nouveau, alors que le design des personnages, filiformes et aux mains noueuses, rappellent les portraits d’Egon Schiele. Quant à Jeanne, elle semble avoir été dessinée par Gustave Klimt lui même. Toutes ces influences se mélangent grâce à une myriade de techniques : fusain, aquarelle, ligne claire épurée ou superposition d’aplats se succèdent dans une spirale psychédélique imprévisible.
Mais ce qui est le plus déroutant, c’est probablement l’animation du film : elle est quasi inexistante. Hormis quelques effets dans les images, Belladonna se veut plutôt une succession de tableaux que le spectateur est amené à explorer par des travellings et des zooms. Il en résulte une impression étrange, comme si le film était une sorte de galerie virtuelle ou de livre de contes, présentant une série d’illustration très différentes mais toutes liées par un sujet commun, Jeanne et son histoire.

Une histoire qui, dans la tradition des contes, se veut simple afin d’être métaphorique. Plus que le récit d’un femme bafouée et tentée par le diable, Belladonna est un pamphlet virulent contre le pouvoir, le machisme, prônant la libération sexuelle. La Jeanne sorcière n’a rien d’un personnage maléfique : avec son corps nu, son rapport plus direct à la nature et sa sexualité libre, elle est une incarnation de l’amour qui parvient à triompher et à retourner le monde. À l’inverse, la figure du Comte, squelettique et désincarnée, n’évoque jamais que la mort et l’autorité. Les deux personnages, figurant le jeu mortel d’Eros et Thanatos, s’opposeront à plusieurs moments du récit pour nous offrir un final marquant, un appel vibrant au combat des femmes pour leur émancipation.
Si l’on peut toujours remettre en question le statut culte d’une œuvre, on ne peut toutefois nier la nature singulière et intrigante de Belladonna . Eiichi Yamamoto a doté son film d’une forme largement déroutante mais à la créativité riche, illustrant une histoire métaphorique à la fois révélatrice de l’époque pendant laquelle elle a été conçue (les mouvements contestataires des années 1960) et porteuse d’un message crucial pour l’avenir.
L'auteurGaspard Breny
Anciennement détenu en cellule d'Histoire à l'ULB, j'ai été transféré il y a peu au sein de la section cinématographique de la même prison. J'attends la quille pour devenir scénariste.Gaspard Breny a rédigé 13 articles sur Karoo.
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