Destination Into the Night :
bon embarquement !
Les salles de cinéma fermées et les festivals annulés, les plateformes VOD et SVOD sont devenues un moyen de s’injecter notre dose de culture audiovisuelle journalière. Quelle ne fut donc pas notre surprise de voir débarquer sur Netflix Into the Night , série belge pour laquelle nous vous conseillons d’attacher vos ceintures !
Alors que les passagers embarquent sur le vol direction Moscou à l’aéroport de Bruxelles, un major italien armé (Stefano Cassetti) prend en otage l’avion et ordonne au copilote (Laurent Capelluto) de décoller immédiatement direction l’Ouest sous peine de mourir à cause des rayons du soleil. Une course contre la montre commence…
La série Into the Night se présente en six épisodes, chacun intitulé suivant le nom d’un passager. À chaque début d’épisode, un personnage est présenté dans ce qui peut le déterminer. Mais cela s’arrête là, car les personnages sont déjà rapidement présentés dès le premier et le deuxième épisode à cause de la concentration spatiale en huis-clos. La grande multiculturalité présente dans l’avion fait que certains accents peuvent être difficiles à comprendre, mais si vous avez des difficultés de compréhension, n’hésitez pas à activer les sous-titres. Concernant le jeu d’acteur, mention spéciale à celui qui joue Terenzio (Stefano Cassetti), crédible de bout en bout. Ce rôle de sauveur malgré lui peut vite mal tourner et devenir risible dès la moindre erreur, ce qui n’est nullement le cas ici. Stefano Cassetti campe le rôle à merveille et y reste fidèle. Le personnage d’Ayaz (Mehmet Kurtulus) est aussi très intéressant, malgré le fait qu’il ne se révèle qu’après quelques épisodes. C’est l’un des personnages les plus complexes, mais un des plus riches en même temps.
Le scénario de Jason George, inspiré du livre The old Axolotl de Jacek Dukaj, est là où le bât blesse. Tout d’abord, il semble incroyable que, pour chaque souci rencontré, le faible échantillon présent dans l’avion puisse trouver ce dont il a besoin pour surmonter les problèmes. Nous en avons fait part à Babetida Sadjo, l’actrice qui joue Laura ( interviewée par Karoo pour l’occasion ). Elle fut plutôt étonnée de ce point de vue : « Je pense que sur un échantillon de dix personnes, beaucoup de solutions sont possibles. Moi ça ne m’étonne pas qu’il y ait des solutions. Tu n’es pas sûre du tout qu’ils vont réussir parce que c’est monsieur et madame tout le monde ». Certes, la situation exceptionnelle peut pousser à une extrême débrouillardise. Néanmoins, les chances de rencontrer à la fois un pilote, quelqu’un du monde médical ou quelqu’un parlant arabe sur un échantillon d’une dizaine de personnes est fort peu probable. Ensuite, le scénario a quelques redondances, surtout sur le nombre de fois qu’un problème intervient : cela n’en finit jamais. Les moments de révélations ou de confessions sont également assez répétitifs et assez automatiques, comme si chaque personnage avait quelque chose de honteux enfoui en lui. Il y a également plusieurs incohérences au sein du scénario qui font que certains ne voudront même pas continuer à regarder la série.
Ce qui sauve plutôt la série, c’est son atmosphère haletante. En effet, dès les premières minutes du premier épisode, la tension monte crescendo. La musique de Photek engendre du stress et colle vraiment au projet. Elle apporte la rythmique nécessaire en plus de celle présente dans le montage et naturellement dans le scénario. Elle est à la limite de l’anxiogène. La rythmique est imposée et très éprouvante. Elle ne ralentira que vers les derniers épisodes qui n’arrivent pas à garder le tempo malheureusement. Cette sensation de tension et de stress ne se retrouve pas seulement du côté du spectateur puisqu’il nous a été confirmé par Babetida Sadjo que « c’était vraiment un tournage très intensif (…). Aussi au niveau physique, j’ai beaucoup bossé. Non pas pour mincir ou pour devenir plus musclée, mais pour avoir un plus long souffle parce que c’est une série qui demandait une résistance physique très très forte. Et pour ça le corps doit être prêt, le mental doit être prêt, sinon on gaspille dans ses propres ressources ».
Série belge certes avec un casting majoritairement belge, Into the Night n’a pourtant pas été tournée principalement en Belgique, mais bien en Bulgarie et en Macédoine du Nord. En effet, tout ce que vous verrez en huis-clos a été tourné en Bulgarie et les plans d’avion ont été tourné en Macédoine. Quelle péripétie pour notre petit pays !
Cette péripétie a pu être faisable grâce au soutien en production du géant Netflix. Les moyens mis en œuvre pour la production (7 millions d’euros) sont à saluer alors que la diffusion est plus délicate à aborder. Il est vrai qu’en ces temps de confinement, Into the Night ne pouvait pas mieux se porter qu’en sortant sur Netflix et nous en sommes heureux pour eux. Néanmoins, le fonctionnement de la plateforme ne rend pas vraiment justice au travail acharné que peut représenter ce genre de production. Netflix favorise le fait de « binge watcher » sans permettre de recul au spectateur, pourtant nécessaire dans cette course poursuite endiablée. Par sa politique capitaliste, Netflix favorise également la quantité sans se soucier de l’encadrement de ses sorties. Alors oui, il sait générer l’événement puisque Into the Night se retrouve dans le top 10 des vues en Belgique en moins d’une semaine, mais qu’adviendra-t-il de la série une fois que l’excitation ne sera plus au rendez-vous ?
Into the Night fait fureur sur Netflix et malgré la diversité des personnages qui fait que chacun peut y trouver son compte, ce style de série ne peut pas convenir à tout le monde dû notamment au stress engendré. Si vous n’aimez pas vous sentir embarqué jusqu’au bout du monde envers et contre tout, ceci n’est pas pour vous. Par contre, si vous aimez être pris directement dans une histoire et que vous ne faites pas attention aux quelques incohérences scénaristiques, allez-y !
Le stress que j’avais était juste incroyable : j’étais dedans à fond la caisse comme si ce n’était pas moi que je regardais, que ce n’était pas mes collègues, mais vraiment l’histoire.