critique &
création culturelle
Série Cousteau
à la découverte du monde du silence

Remontons presque trente ans en arrière. Les séries américaines importées en Europe s’intitulaient Dallas et Dynasty et les télés privées commençaient à percer dans le paysage audiovisuel. La nature et l’environnement étaient des sujets très peu abordés à la télévision. La série des documentaires de Cousteau diffusée sur France 2 et la RTBF allait déclencher une certaine prise de conscience écologique et susciter des milliers de vocations sportives pour la plongée sous-marine.

Cette série de documentaires m’a ouvert les yeux sur la mer et ses mystères. Cousteau m’a inoculé une passion qui ne m’a jamais quittée pour la plongée sous-marine. Cousteau est au départ un militaire qui s’est reconverti dans la fabrication de détendeurs de plongée, puis dans la confection de petits reportages et la diffusion de livres sur ses aventures. Tout commence dans les années 1960 lorsqu’un riche armateur anglais lui procure un vieux dragueur de mines américain. Il le rebaptisera la Calypso . L’exploration sous-marine en est alors à ses balbutiements. Tout est à montrer cinématographiquement, et il faut tout inventer sur le plan technique : les caméras, les soucoupes plongeantes, l’éclairage sous-marin.

Le premier film de Cousteau, le Monde du silence , sera couronné par une Palme d’or à Cannes en 1956 , une première pour un film documentaire. Le commandant avait pu compter sur un jeune réalisateur qui allait faire par la suite une grande carrière en dehors du cinéma sous-marin, Louis Malle . Celui-ci se blessa aux tympans lors du tournage et ne replongea donc plus jamais.

Deuxième film sous-marin diffusé de par le monde en couleurs, le Monde du silence reste encore aujourd’hui, avec ses 4,6 millions de spectateurs, un des documentaires les plus populaires de l’histoire du cinéma. Fruit d’un important travail de montage (25 km de pellicule impressionnée, qui furent ramenés à une longueur de 2 500 mètres, soit une durée de 86 minutes), il comporte des scènes uniques tournées à 75 mètres de profondeur, ce qui était techniquement sensationnel pour l’époque. Certaines scènes pourront choquer le spectateur contemporain : massacres de requins, destruction de corail, plongeurs chevauchant les tortues en les mettant en danger de la sorte. Depuis peu, une autre version du film, le Monde du silence revisité , qui retrace les aventures du commandant cinquante ans après, est visible sur Youtube. Elle a été visionnée par plus de 325 000 internautes, ce qui prouve que beaucoup de gens continuent à se passionner pour la filmographie de Cousteau — laquelle compte en tout 144 films ou documentaires réalisés.

Son second film, le Monde sans soleil , sort en 1965. Il raconte pour la première fois une expérience de vie sous la mer dans des bases sous-marines en mer Méditerranée et en mer Rouge. Le troisième, Voyage au bout du monde (1976), aborde la fragilité du territoire de l’Antarctique.

Cousteau contribue à créer, par la popularité de ses documentaires, une véritable industrie de la plongée sous-marine, en Égypte notamment. Progressivement, il devient un découvreur d’épaves montrées dans ses documentaires, la plus fameuse étant celle du Britanic , le frère du célèbre Titanic . Il travaille également de plus en plus son image, caractérisée par exemple par le port de son célèbre bonnet rouge, un emblème emprunté aux bagnards du port de Toulon. Suite à une rencontre avec les responsables de la chaîne américaine ABC, il lance le concept d’une série de reportages thématiques, l’Odyssée du commandant Cousteau — qui connaîtra un succès planétaire et remportera plusieurs Emmy Awards — et implante de nouvelles structures de production aux États-Unis.

Parallèlement, il développe un courant de pensée de type écologiste, qui marquera des réalisateurs comme James Cameron. À travers la thématique ou le commentaire de certains de ses documentaires, il se révèle un pionnier de la lutte contre la chasse aux baleines, dénonce le shark finning , alerte l’opinion publique internationale sur le réchauffement climatique . Il sensibilise également l’opinion par certains de ses engagements publics, comme par exemple lorsqu’il lutte contre l’enfouissement sous-marin des fûts nucléaires. En somme, il préfigure la naissance du mouvement politique écologiste, si bien qu’on peut le considérer indirectement comme le père spirituel de mouvements contestataires tels que Greenpeace ou Sea Shepherd de Paul Watson. Plus concrètement, une réserve naturelle intégrale, la Réserve Cousteau , a été créée en Guadeloupe. Elle accueille désormais des milliers de plongeurs du monde entier.

Cousteau meurt en 1997 et son empire médiatique est laissé entre les mains de sa seconde épouse, qui possède tous les droits de sa fondation. Celle-ci créera une série de dessins animés inspirés des aventures du commandant. Une page Facebook, « Cousteau Divers », rassemblant tous les sympathisants et admirateurs du Commandant compte de nombreux abonnés du monde entier. Une autre page Facebook, « La Calypso , une légende », rassemble tous les sympathisants qui veulent sauver ce navire en état de délabrement.

Cousteau a donc marqué toute une génération de passionnés de la mer et, vu les succès d’audience qu’ont remportés récemment des émissions comme Thalassa et Ushuaia , nous pouvons affirmer qu’il a trouvé de dignes successeurs !

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