Three Billboards Outside Ebbing, Missouri est un film éprouvant qui traite des sentiments humains, de l’amour et du don de soi. Un des plus beaux films de 2018, à regarder avec tout son cœur.
Après sept mois sans véritable enquête sur la mort de sa fille, Mildred (Frances McDormand) décide d’interpeller la police de la petite ville d’Ebbing dans le Missouri par un moyen étonnant et pourtant infernal. Elle loue trois panneaux publicitaires à l’abandon et y colle trois affiches : « Violée pendant qu’elle agonisait il y a plusieurs mois / Toujours pas la moindre arrestation / Pourquoi, shérif Willoughby ? ». Le brasier démarre. La violence des panneaux est à l’image de celle que dégage le film.
La scène d’ouverture est sans doute l’une des plus belles. La musique ancre le film dans une sorte de western moderne dans lequel Mildred apparaît comme grande figure féminine (presqu’exclusive d’ailleurs), forte, solide et déterminée. On la suit jusqu’au bureau du publicitaire qui la nomme d’abord « la mère d’Angela Hayes ». Mildred apparaît en premier lieu comme la mère d’une victime et non comme elle-même. On comprend alors que la force de cette femme n’est que la façade d’une maman désespérée prête à tout pour retrouver l’assassin de sa fille.
Three Billboards est un film sur la souffrance humaine dans un contexte où règnent encore le racisme, l’homophobie, la dépendance à l’alcool, la violence conjugale, etc. Il s’ancre vraisemblablement dans le réalisme d’une petite ville du Sud et rend compte des problèmes de société que beaucoup connaissent. Le décor est bien réalisé, la photographie et les lumières plongent assez efficacement le spectateur dans l’atmosphère très étouffante d’Ebbing : les plans en intérieur sont resserrés, les seuls plans larges sont visibles lorsque l’écran nous projette les trois panneaux. La lumière est assez sombre et tamisée pour montrer un monde qui ne tourne qu’autour de cette petite ville du Missouri ; l’action se déroule uniquement à Ebbing.
La perte, la violence, la tristesse et le désespoir sont au cœur de l’intrigue parfois secouée de scènes détonnantes. L’humour noir et l’être humain dans toutes ses nuances s’entrechoquent. Car c’est bel et bien la complexité de l’être humain qui traverse l’écran dans sa folie, sa peur et son amour.
Au même titre que les trois panneaux, on suit trois personnages qui évolueront dans leur propre folie humaine : Mildred, Dixon (Sam Rockwell) et Willoughby (Woody Harrelson). Les panneaux ressemblent aux personnages : ils s’exposent aux regards des autres, à leur jugement et leur folie. Les trois personnages principaux s’enflamment autant que les trois panneaux. Ils se détériorent et partent en lambeaux. Belle métaphore à mon sens.
Le film dégage une vague d’émotions et le spectateur, pour peu qu’il soit embarqué dans l’histoire, en perçoit la teneur ; c’est sans doute ce qui rend ce film fascinant puisqu’il galvanise en réalité les sentiments différents qu’on peut ressentir. Les personnages sont à la fois détestables et attachants et c’est peut-être la principale raison pour laquelle Three Billboards est avant tout un film sur le genre humain. Il ne nous présente pas des personnages aux sentiments et aux actions manichéennes, mais plutôt des personnages qui évoluent et qui apprennent de leurs erreurs ; c’est plutôt optimiste du point de vue de la trame scénaristique, annoncée dès le début.
Ce qui peut être pourtant déplorable c’est cette petite manie d’écrire des dialogues qui insistent sur le fatalisme des personnages. Par exemple, un flash back quelques heures avant la mort d’Angela qui demande à sa mère si elle peut emprunter la voiture le soir-même. Mildred refuse, dispute mère-fille somme toute classique, Mildred accepte que sa fille sorte seulement à pieds et là, Angela sort la phrase de trop : « J’espère me faire violer ». Il ne m’apparaît pas nécessaire dans les dialogues de faire apparaître l’évidence de la situation bien que la prédiction de Willoughby dans sa lettre instaure au spectateur une attente latente que Frances McDormand arrive à faire ressortir avec beaucoup d’émotion à la fin du film.
Je ne suis pourtant pas sûre que le film veuille rendre la bonté de l’être humain de manière évidente mais la rédemption est certainement la clé et le nœud même du long métrage de Martin McDonagh. C’est peut-être cette rédemption qui nous rend les personnages aussi attachants, quoiqu’il en soit, l’homme est en perpétuelle évolution et c’est toujours aussi étincelant.
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En somme, cette comédie noire est fidèle aux émotions humaines. La fin est ouverte et laisse libre court à l’interprétation de chacun. Pour ma part, je dirai qu’elle se laisse aller toujours et encore aux sentiments humains. L’espoir peut-être voire la rédemption sont les deux revers de la vengeance annoncée; et pourtant, rien n’est moins sûr.