critique &
création culturelle
Un livre un extrait (18)
Le Cercle des îles de Luc Dellisse

Un livre, un extrait, un commentaire. Karoo vous propose un autre regard sur les livres ! Aujourd’hui Le Cercle des îles de Luc Dellisse.

Eau et circularité sont au cœur de ce recueil. Inauguré dans la prose, c’est également sous cette forme qu’il se clôture. Mais entre ces deux temps, définis et distincts, Luc Dellisse joue avec le vers qui, sous sa plume, se libère de toute contrainte car c’est avant tout le jaillissement de l’image qui prime. Pourtant, si l’image est effectivement vive et intense, les mots se font progressivement évanescence à l’instar d’un « je » insaisissable qui semble n’être là que pour se faire la voix de la sensation qui abolit les frontières de la matière et du temps.

Accablé par la mer

L’hôtel de la falaise s’enfonce dans la craie

C’est la rupture avec le printemps éternel

On relève les lignes

Il n’est parfois plus temps de labourer la nuit

Il faut rêver debout dans la bourrasque

Les îles se font obsession et l’eau s’infiltre partout dans le réel. Même à l’intérieur des terres, la mer envahit le monde que les mots liquéfient.

Les voiles se sont posées sur la croisée des villes

Au-dessus des moulins, de voitures aux hublots

Couverts d’embruns, ancre rouillée en bandoulière

Au-dessus des maisons en poudre de calcaire

Au-dessus des cafés, sang bleu des navires échoués

Velum rayé à contre-sens du vent

Cliquetis de la mante repliée dans ses songes

Tous ses amants sont morts. Je suis seul et vivant.

Le Cercle des îles

Luc Dellisse

Le Cormier, 2020

106 pages

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