Recueil de nouvelles, Vivaces de Sandra de Vivies, fait portraits et états de notre monde, passé et présent, en jouant du langage pour aborder la nature végétale et animale, humaine y compris.
Première publication de la toute jeune maison d'édition La Place , Vivaces regroupent huit courtes nouvelles, ponctuées de photographie en noir et blanc (ces dernières en majorité réalisées par l’autrice) . Entre récits texte-image et prose poétique , Vivaces s’inscrit pleinement dans la ligne éditoriale des éditions La Place. camera obscura 1 propose une entrée en matière qui cherche à préserver l’inconnu et son pouvoir fécondant sur l’imagination, l’occasion de découvrir un style, mais surtout un regard, qui, dans la banalité, arrive à trouver l’originalité :
« En s’installant à Laville, Edna avait pris la décision de ne jamais se rendre au bout de la rue. Elle avait longtemps frayé en territoire connu, trop connu, elle veillerait ici à préserver l’inconnu, le sauvage qui étaient un peu comme de l’oxygène, et pour ce faire elle leur assignerait un périmètre dont elle ne transgresserait jamais les frontières. »
entrechats fait ensuite éloge d’une flore urbaine qui craque les pavés pour éclore, et célèbre ces militant·es pour qui la ville se doit de préserver et encourager les écrins de nature. eau-forte s’inscrit quant à elle dans une autre époque, d’autres mœurs, où la parole ne peut se délier pour dire, ou ne serait-ce qu’évoquer :
« c’est l’Italie, catholique, celle du début du XXe siècle, / le viol y est plus acceptable que l’adultère »
Dans solo , ce sont les Fagnes qui prennent parole, une nature qui parle, s’exprime, combattant sans doute l’oubli. Si corps palimpseste fait appel au Paris du début XX e , où : « tu te rends compte, Joe, une femme, en 1917, conductrice de tram », et s’inscrit dans l’urbain, la vitesse, et le mouvement, hors-champ dépeint, au travers d’un regard observateur, posé et caché, une faune forcée de migrer, mettant en exergue ces autres réfugiés climatiques.
« Son pelage luit dans les herbes hautes, où fricotent les graminées, les chardons bleu silex, les œillets sauvages. Les petits éclats or qu’il lance dans l’air témoignent de l’effort, de l’effort et sans doute de la peur, / de cette sorte de peur qui commande les muscles. »
cyanotype, juste après, se plonge dans ce temps insouciant où il suffisait de planter un drapeau pour posséder, conquérir une ile lointaine, jusque-là inexplorée, inexploitée. Et en dernier, révérence peint le portrait d’un écrivain passionné par les plantes, mais du point de vue d’une plante, le noisetier de sorcière.
Les photographies en noir et blanc qui illustrent les textes donnent une manière de respiration au recueil, entrecoupant la lecture de temps de pause. Toutefois, elles ne sont pas indispensables à la compréhension ou à l'interprétation. L’intérêt de vivaces se trouve davantage dans le travail des mots que dans celui de l’image photographique.
En effet, si les textes donnés à lire se construisent avant tout dans les anecdotes, simples, peu développées, me laissant parfois sur ma faim, celles-ci résonnent, elles ont pour force un écho de sens aux problématiques de notre époque, à la fois écologiques, mais aussi sociales. Le recueil, à sa manière, milite pour le vivant, donnant à voir celui-ci au travers d’une inscription lyrique.
Et finalement, le sous-titre récits photosensibles se comprend sinon par les photographies en noir et blanc, mais par les couleurs et les images qui éclosent hors des différents textes écopoétiques.