C’était 2021 !
2021 fut une année pleine d'incertitudes pour les arts et la culture. Une alternance infinie entre ouverture et fermeture des lieux qu’on adore, ce qui rend difficile toute recherche de divertissement là où, autrefois, il était simple de trouver des ressources pour apprendre, réfléchir et s’émouvoir. Bien heureusement, la créativité n’est pas étouffée pour autant, car tout peut être source d’inspiration pour les artistes. 2021 aura quand même eu le mérite de satisfaire mes yeux et mes oreilles à plusieurs reprises, et ma curiosité en est ravie.
Malcom & Marie – février 2021
L’année a commencé fort avec la sortie du film Malcom & Marie en février. Réalisée par Sam Levinson, l’histoire met à l’épreuve une représentation du couple à travers laquelle la relation peut passer d’un espace sécurisant à une entrave à l’épanouissement personnel. Après l’avant-première du dernier film de Malcom (John David Washington), le couple rentre et Marie (Zendaya) se met à cuisiner. S’ensuit une longue nuit de discussions mouvementées qui font éclater accusations, remords et amertume. Les partenaires reviennent sur le début de leur relation, sur les difficultés surmontées dans le passé et celles qui persistent faute de communication honnête.
Le film devient un concentré de répliques qu’on n’ose jamais prononcer en relation amoureuse, par peur de blesser l’autre ou de nuire à la stabilité du couple, même si celle-ci n’est qu’une façade. Incompréhension, règlements de compte et éclatement de vérité – cette production cathartique a un pouvoir d’identification considérable grâce au morcellement d’émotions révélées par les personnages. Zendaya et John David Washington forment un duo solide : leur jeu sincère et brutal livre un résultat foudroyant. À tout moment, la relation semble être sur le point de s’effondrer, mais une passion forte lie les personnages à l’instant où leur voix s’apaisent.
No Poetry? No Party! à la librairie maelstrÖm – mars 2021
Le « Standing for culture » aura défini ce début d’année 2021. Pendant plusieurs mois, tous les samedis, les artistes de la Belgique entière étaient de sortie pour faire valoir leur travail et rappeler au monde combien la culture a un pouvoir de cohésion, surtout en temps incertains.
Une des organisations du « Standing for culture » m’a fortement marquée : devant la librairie maelstrÖm à Bruxelles était organisé le No Poetry? No Party! . Il s’agissait d’un micro-ouvert pour les amateurs·rices de poésie souhaitant partager leurs écrits avec des passants·tes à l’oreille curieuse autour de la Place Jourdan. Cette expérience était pour moi la preuve que les mots des autres ont la capacité de cultiver notre propre inspiration et de résonner en nous. De beaux moments de partage.
Off the Rails de Wallice – juin 2021
En musique, mes émotions m’ont menée en terrain de défouloir. C’est probablement pourquoi j’ai tant apprécié l’EP Off the Rails de l’Américaine Wallice, chanteuse au look extravagant et à la personnalité hors du commun. Ses productions musicales condensent mouvements, désarroi et fluctuations de sentiments en tout genre, propres au début de l’âge adulte. La musique de Wallice résonne parfaitement avec sa personnalité flamboyante, donnant à l’EP une énergie très électrique. Off the Rails , sorti en juin 2021, contient six morceaux alternatifs aux influences indie-rock. L’extravagance des chansons se caractérise par des sons saturés au niveau de la voix et d’une instrumentalisation mélangeant distorsions et mélodies dansantes. Dans l’ensemble, c’est l’expression d’une émotion intense, particulièrement le morceau « Headache », qui semble représenter un moment de crise, mais sollicité par besoin d’extérioriser un profond ressenti. Le morceau « Off the Rails », premier de l’EP, constitue une introduction parfaite en ce sens. Personnellement, j’apprécie tout particulièrement l’explosion du refrain de « Hey Michael » pour la rage qui en ressort, sentiment que la musique transmet toujours de manière si efficace : You’re the life of the party / But the party is finally over . Wallice nous offre donc un album qui excelle dans sa représentation de l’angoisse adolescente, entre rupture, peur de devenir adulte et nostalgie de l’enfance.
Even outside of quarantine, I think I encapsulated the feelings of being in your early twenties and living at home. Kinda feeling like a loser sometimes–which is okay! It’s scary to grow up. I hope that when people listen to any of the songs on the EP, they don’t feel alone in feeling whatever it is they are going through, and that it brings some peace to some similar aged people that listen. – Wallice
La Jam à Tao à la Gare – septembre 2021
En tant qu’amatrice de musique et de concert, c’est toujours un plaisir pour moi d’assister à des moments de partage entre musiciens·ennes. En septembre dernier, mes chemins m’ont menée à la Gare, club de jazz parisien, où ont lieu tous les jeudis des jam-sessions organisées par un certain Tao. Ce dernier réunit son entourage musical pour partager la scène un soir par semaine et offrir au public une soirée enivrante. La Gare est un lieu unique à Paris : situé dans une gare désaffectée et transformé en coin original et séduisant, le club est régi par le mot d’ordre « tais-toi, musique d’abord ». Il y règne dès lors un respect capital pour les artistes qui peuvent transmettre leur passion dans un environnement bienveillant.
Conférence « Beyrouth : vestiges martyrs, sauvegarde et reconstruction », dans le cadre de l’exposition « How Will It End? » de la Fondation Boghossian – décembre 2021
Ce mois-ci a lieu à la Villa Empain l’exposition « How Will It End? ». Elle rassemble des œuvres d’une série d’artistes libanais·es avec comme thème commun le destin de leur pays. En introduction à l’exposition fut organisée une conférence présentée par Yves Ubelmann. Ce dernier travaille pour le projet d’Iconem, organisation envoyée par l’Unesco au Liban pour travailler sur la reconstitution de Beyrouth après l’explosion du 4 août 2020.
La mission d’Iconem consiste en la composition d’une carte 3D de Beyrouth, réalisée à l’aide de drones et d’une forme d’intelligence artificielle. Cette carte permet dans un premier temps d’évaluer l’étendue des dégâts, pour ensuite participer à la reconstitution patrimoniale de la capitale et à la restauration des monuments historiques. Sous un angle architectural, le projet est motivé par la question : « Comment penser l’avenir de la ville ? »
La conférence sert donc de lancement à l’exposition « How Will It End? ». Les artistes exposés·es sont réunis·es par leur inspiration commune : la situation politique misérable du Liban, aggravée par la pandémie et l’explosion du 4 août. Ces œuvres pleines d’émotions permettent de mesurer l’attente de tout signe d’amélioration des conditions de vie au Liban. Ensemble, la conférence et l’exposition incarnent une manifestation d’espoir, sentiment partagé par la communauté libanaise qui croit toujours en la reconstitution matérielle et symbolique de son pays.
Une année particulière pour des coups de cœur particuliers, j’ai hâte de voir ce que 2022 me réserve.