Aljosa Jurinic
De passage à Bozar le 11 mars, le jeune pianiste croate nous a offert un récital plein de nuances et de subtilités.
Calme plat dans la salle. Les premiers staccatos se font entendre. Ça y est, le Gaspard de la Nuit de Ravel retentit. Aljosa caresse les touches du piano d’un air malicieux, presque mystérieux. Dans cette pièce céleste, quasi divine, les notes sont suspendues, comme si elles ne tenaient qu’à un fil. Dans le 3e mouvement, les attaques sont franches et saisissantes, évoquant justement le gobelin auquel Ravel pensait. Je le vois danser devant moi.
Comme à son habitude, Aljosa Jurinic offre une interprétation très nuancée, élégante et précise. La technique que requiert cette pièce est flamboyante, mais le jeune pianiste s’en sort magnifiquement bien. Les notes s’enchaînent furtivement, si vite que déjà la pièce se termine.
Après de longs applaudissements, des gouttes de pluie tombent sur la salle. La première étude de l’opus 25 nous livre ses secrets. Fidèle à lui-même, Aljosa n’oublie aucune note, chacune ayant son importance. La technique n’est pas époustouflante, quelques fausses notes se laissent entendre. Mais quelle importance, quand le jeu est si fragile, équilibré et nuancé.
Aljosa enchaîne les études avec une facilité déconcertante, comme si elles avaient été écrites pour être enchaînées de cette façon. Comme si Chopin lui-même susurrait à l’oreille de l’artiste la ligne directrice de ses pièces. Littéralement immergé dans l’œuvre, Aljosa retransmet à merveille l’esprit polonais mélancolique de Frédéric Chopin.
Son jeu pur et léger me fait oublier le temps qui passe, si bien qu’une heure après le début du récital, c’est comme si mon oreille était prête à tout recommencer. Manifestement, Aljosa Jurinic, malgré son habitude des études de Chopin, parvient encore à surprendre et à séduire son public. Ravel, de son côté, aurait certainement apprécié son interprétation subtile et élégante.