Après Tout au milieu du monde (2017), les auteurs Julien Bétan, Mathieur Rivero et l’illustrateur Melchio Ascaride conjuguent à nouveau leurs talents pour nous présenter un nouvel ouvrage dans lequel texte et image s’accordent au profit de la narration.
L’intérêt premier de l’ouvrage repose sur son dialogue entre le texte et l’image. La première page, juste après le titre, nous plonge directement dans cette aventure de mots et de dessins. Si Le cri des mouettes lance le récit, sans même commencer sa lecture, le lecteur peut déjà voir les oiseaux battre des ailes. L’une d’elle, son œil jaune perçant notre regard, s’impose d’ailleurs sur la page de manière angoissante. Et comme Jildas, héros du roman graphique, on sort instantanément de notre torpeur pour débarquer avec lui en Bretagne où les légendes s’inscrivent dans le réel quotidien.
Le dessin de Melchio Ascaride se contente de nuances de jaune, de gris et de noir pour donner vie à la Bretagne médiévale. L’univers dépeint est stylisé, bicolore, et souvent abstrait. Il n’abonde pas en détails mais en retire justement sa force d’évocation. Les pages flirtent avec le mystère et le lecteur appréciera la place laissée à son interprétation. Les illustrations prennent parfois le dessus sur le texte. Elles ne sont jamais une simple transposition picturale de ce que racontent les mots. Des pages et doubles pages entières peuvent ainsi s’y substituer, comme le passage où Marie de France s’apprête à raconter l’histoire des bisclaverets, loups prenant la forme d’hommes carnassiers, mais dans lequel une série de dessins relaie son récit.
Julian Bétan et Mathieu Rivero se focalisent pour leur part sur le texte. Réécriture du lai de Bisclavret de Marie de France, l’histoire parvient à reconstruire la figure du loup-garou; plutôt que de croiser un homme se transformant en monstre à chaque pleine lune, nous rencontrons ici un loup prenant peau humaine pour assouvir sa soif de sang. Le style des auteurs en lui-même est efficace : le rythme du texte est maitrisé, le style imagé complète parfaitement les illustration, et le lexique, émaillé de quelques vocables anciens, donne de la couleur et permet de faire le voyage en plein Moyen Âge. Finalement, Ce qui vient la nuit se démarque par la proposition qu’il fait au lecteur, à savoir l’emmener dans un récit qui ne repose pas seulement sur les mots, mais aussi sur un travail pictural. Le loup nous aura griffé, agrippé et emporté avec lui dans sa tanière de pages.