Chassé-croisé
S’il s’impose comme le film le plus léger de la sélection du prix des Lycéens, Pas son genre de Lucas Belvaux n’en partage pas moins la thématique : l’exploration des relations affectives ; ici, la relation amoureuse.
Le prix des Lycéens du cinéma
Le prix des Lycéens du cinéma est une récompense remise chaque année par un jury composé exclusivement d’élèves du secondaire. Cette année, ce jury bat le record : 7 000 élèves participent à l’élection du lauréat. Ceux-ci devront donc choisir, d’ici la fin de l’année scolaire 2015-2016, une œuvre parmi les cinq productions retenues pour le concours. Un bon moyen pour eux de découvrir un cinéma belge francophone. Retrouvez la critique de ces cinq films dans notre dossier « Prix des Lycéens du cinéma 2016 » sur Karoo.
Pas son genre met en scène deux personnages qu’a priori tout oppose : Jennifer (Émilie Dequenne), coiffeuse arrageoise qui croque la vie à pleine dents, et Clément (Loïc Corbery), Parisien un rien snobinard, professeur de philosophie, passionné de Kant, dont la tête est plus souvent dans les nuages que sur ses épaules. Nos personnages vont donc entamer une relation amoureuse qui va permettre à Lucas Belvaux d’analyser les différences culturelles qui séparent les classes sociales (il n’est jamais question d’argent).
Dès le départ, le film paraît marcher dans les brisées de la comédie romantique la plus classique : ils se rencontrent, se tournent autour, se mettent ensemble, se disputent et terminent leur histoire amoureux comme jamais. Ce n’est heureusement qu’une première impression. Bien que le film s’appuie sur ce modèle éprouvé, Belvaux va plus loin dans l’exploration de la psychologie de ses personnages. Ainsi, on ne rit finalement que très peu. Par contre, on se sent investi dans cette relation qui, dès le début, nous semble bizarre, incohérente. Et pourtant, on a envie que ça fonctionne et ce, malgré les défauts des deux personnages, mis en avant par une pléthore de stéréotypes gros comme des camions.
Mais plutôt que de reconduire bêtement ces stéréotypes, Belvaux joue avec eux, les contredit et s’en sert comme d’une arme vis-à-vis du spectateur. On comprend vite à sa volonté de nous montrer que le personnage soi-disant le plus stéréotypé est de loin le plus intéressant. La réalisation et la photo vont dans le même sens. Si la caméra semble folle et l’image pleine de couleurs dès qu’on voit Jennifer, la mise en scène adopte une esthétique inverse lorsqu’on évolue dans l’univers de Clément.
Toutes ces oppositions ne nous empêchent pas de prendre parti et l’on ne peut que jubiler lors de certaines scènes du film où la relation atteint certaines phases plus tendues. Car au-delà des personnages, au-delà des stéréotypes, Belvaux souhaite juste nous montrer une histoire d’amour parmi tant d’autres, avec ses qualités et défauts. Pas son genre est en réalité une simple chronique de la vie humaine qui prend tout son sens lors d’un twist final glaçant qui, s’il troublera le spectateur, ne lui enlèvera pas pour autant son sentiment de satisfaction général. Sorte de plaisir coupable, Pas son genre réussit là où énormément d’autres échouent, et ce en usant encore plus de poncifs que ses frères et sœurs. Et rien que ça, il faut l’admettre, c’est un petit tour de force en soi.
https://www.youtube.com/watch?v=EgxZCCrIExM