Dans Diabolo fraise , sous une couverture acidulée qui ferait frémir toute féministe, Sabrina Bensalah donne un coup de jeune aux Quatre Filles du Docteur March et nous offre la chronique d’une fratrie en version uniquement féminine.
Antonia, Marieke, Jolène et Judy sont âgées de 18 à 11 ans. Alors que l’aînée découvre qu’elle est enceinte, la benjamine fait son entrée au collège. Pendant ce temps, les cadettes, dont l’une est aussi jolie que l’autre est subtile, découvrent le plaisir et le flirt. Ces quatre figures traversent seules les turpitudes de l’adolescence mais savent qu’en cas de chute, elles auront toujours quelqu’un à qui se raccrocher. Le plaisir, les premières règles, la sexualité, la beauté, les garçons, les changements physiques, l’identité sont autant de thèmes abordés dans ce roman. Classique, me direz-vous, pour un roman sur l’adolescence. Oui ! Mais il ne faut pas oublier à quel point ces thématiques, qui semblent pourtant frivoles pour quiconque a dépassé cette période de la vie, sont importantes pour chaque jeune fille. Ces questions intemporelles restent centrales pour chaque jeune même s’il n’ose pas toujours en discuter directement. Diabolo fraise offre un bon moment de lecture – un véritable roman de plage au sens positif du terme – et peut aussi permettre à certains de trouver des réponses à leurs questions, de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à y faire face. L’aspect relationnel n’est pas non plus négligé. Comment trouver sa place parmi les autres ? Comment survivre dans cette rivalité ? Quand faire confiance aux autres et à leur soutien ?
Comme souvent dans la vraie vie, les parents sont présents mais ne prennent pas tout de suite conscience des changements qui s’opèrent chez leurs filles et des crises qu’elles traversent. L’indépendance s’opère dans les deux sens. Le père et la mère reprennent aussi leur envol à leur façon : ils décident de se marier, de penser à nouveau à eux. Les garçons, bien que n’étant pas au premier plan, ne sont pas complètement oubliés. Il y a Farès, le père du bébé que porte Antonia, qui doute. Il y a le beau Basile, qui fait découvrir les joies de la sexualité à la belle Marieke. Il y a Quentin qui, séduit par Jolène, lui révèle ses propres atouts. Et il y a Venceslas qui brise les espoirs de Judy et lui fait vivre un enfer qui lui permettra de se révéler.
Marieke attrape le magazine, lit l’article pour s’assurer que la jeune maman n’aborde pas la question de l’affreux périnée – Antonia a déjà beaucoup trop de raisons de pleurer. Finalement, elle le valide, déchire les pages qu’elle plie discrètement pour le fourrer dans sa poche.
Judy inspire pour se donner du courage, puis se lance :
– Je peux vous poser une question ? Bon j’ai bien compris comment le bébé entrait dans la maman hein. Que le garçon en a…
– Abrège, minus ! Coupe Marieke.
– Ben, au final… pour de vrai ? Il sort vraiment…
– Par là où il est entré ! Et c’est là que se joue le drame de cette histoire.
– C’est bien ce que je pensais ! s’effraie Judy. T’as vu comme moi le poids des bébés sur les faire-part ? Y’a même un gosse de 4,3 kg. C’est périnée complet, là !
– Hé oui, que veux-tu. On entre à la maternité avec un vagin aussi fin qu’un tube à essai et on ressort avec une grotte entre les jambes, affirme Jolène. Autant dire que t’as intérêt d’épouser un spéléologue pour continuer d’avoir du plaisir !
Marieke et Jolène partent d’un fou rire que Judy suit aussitôt. Elle ne saisit pas vraiment le pourquoi de cette rigolade – même le terme « spéléologue », c’est flou. N’empêche, elle suit parce qu’elle admire. Ses sœurs lui offrent un idéal de vie fascinant, un avenir plein de belles promesses. Elles sont une émulation constante.
Bref, Diabolo fraise est un vrai roman de divertissement comme on les aime… et même si les thématiques abordées ne nous feront pas philosopher des heures durant, il nous offre ce qu’une fiction peut offrir de mieux : un véritable instant de plongée dans l’intimité de personnages attachants.