Le 10 octobre dernier, c’est au cœur de La Vallée, « lieu de création » à la croisée de Schaerbeek, Molenbeek et Jette qu’on a goûté à l’avant-dernière date du Festival Francofaune (dont on vous avait déjà vanté les mérites sur Karoo). Au programme, la chanteuse toulousaine Dinaa et sa folk introspective, précédée en première partie, de l’artiste bruxellois White Corbeau et de son hip hop « plein d’âme » aux accents R’n’B et afrobeat. Si cette programmation n’incarnait pas, à première vue, notre saint Graal musical, on n’en était pas moins enthousiaste de rencontrer deux artistes à la voix puissante, qui transpirent d’énergie positive. Le choc culturel ne pouvait donc qu’être engageant.

20 H 51 – sans autre introduction, White Corbeau fait son entrée sur scène, a cappella. Légèrement cassée, sa voix à la pureté crystalline transperce – littéralement – la salle. Avec justesse et sensibilité, elle balance entre douceur et intensité. Et c’est ce qu’on préfère chez White Corbeau, ce timbre qui touche instantanément. Ses textes mêlent franglais et ondes positives, invitant au dépassement de soi sur fond très upbeat de hip-hop, soul et afrobeat flirtant parfois avec le rap. Sur scène, ils sont trois à enchaîner les morceaux, sous la basse énergique de G.Massa et au rythme effréné de Dabeedin (dans nos notes, on a écrit à côté de son nom « percussionniste exceptionnel », pour vous donner une idée). Entre ses titres, White Corbeau n’a pas le bec cloué : il partage son parcours et ses aspirations avec décontraction. L’énergie monte d’un cran avec « Clouds », dans une version plus afrobeat et « Soleil ». Le public déjà conquis (il connaît toutes les paroles par cœur, lui) absorbe ces good vibes qui culminent encore avec « Reasons ». Le petit plus : sa voix qui atteint des sommets vertigineux (notamment sur une version inédite de « Vision »). Il faut dire qu’elle a aussi réussi à nous séduire avec une reprise d’un monument de la taille de « Feeling Good » de Nina Simone (à retrouver en partie avec « Unchain my heart – live »).

21h30 – Place à Dinaa (avec deux « a », elle insiste) qui arrive tout droit de Toulouse sur scène, seule avec sa guitare. Charismatique, elle ironise « c’est la deuxième fois qu’on paie pour m’entendre chanter ». Sûrement pas la dernière car, à tout juste 20 ans, Dinaa impressionne déjà. D’ailleurs, en quelques clics on vous le confirme : elle est en tournée dans toute la France jusqu’en 2025. Malgré quelques trémolos superflus (mais vite pardonnés), sa voix, claire et puissante, est magnétique ; ses textes, intimes et percutants. Traversés de métaphores, de jeux de mots et de subtiles références mythologiques, ils racontent sur fond joyeux tout le mal-être de la génération Z. Avec sensibilité et humour, Dinaa chante ses peurs avec « Angoisse », l’envers du ghosting sur « Fantôme », la sensation de vivre une vie en une nuit dans « Cauchemar » (qui a largement mérité nos 12 replays consécutifs) ou encore le désamour de soi avec le très touchant « Lisa » (plus de 3 million d’écoutes sur Spotify). Son répertoire est brut mais aussi engagé, avec « Que reste-t-il ? », qu’elle chante de manière inédite en soutien à Gaza. Les petits plus : sa capacité à chanter le triste sur une folk vitaminée qui ne sape pas le moral et son intensité en mode mineur avec les sublimes « Le chant des sirènes » (coup de cœur absolu) et « Interlude ».

Le Festival Francofaune se clôt pour nous sur deux (très) belles voix qui, malgré des textes touchants parfois très sombres, distillent fraîcheur et énergie positive. On salue au passage la programmation faite de sélections éclectiques mais complémentaires et aux énergies qui se marient particulièrement bien cette nuit-là : voyage hors de la zone de confort réussi !