Dre* Toutatis !
« Ceci n’est pas un album d’Astérix parodix ! » (Attention !!!, prévient le sticker en couverture). Ceci, c’est les Nouvelles Aventures de Lapinot , « Par Toutatis ! », éditées par L’Association, la maison d’édition française co-fondée en 1990 par Lewis Trondheim, dans la collection 48 cc, volume 6 de son état.
* Dre : « Par » en breton. (ça valait bien une astérisque puisqu’on ne peut pas faire de jeu de mots dans le titre)
Pour des basses raisons de chapeautage limité, on vous la refait avec les parenthèses. Ceci, c’est les nouvelles Aventures de Lapinot , « Par Toutatis ! », éditées par L’Association , la maison d’édition française co-fondée en 1990 par Lewis Trondheim (avec Jean-Christophe Menu, David B., Mattt Konture, Patrice Killoffer, Stanislas et Mokeït), dans la collection 48 cc (soit le format classique de 44 planches contre lequel Lewis Trondheim a tant bataillé à ses débuts), volume n°6 de son état (paraissant après le n°7, « Midi à quatorze heures », publié en 2021, c’est-à-dire aussi avant les deux tomes n°5 « Sous le trottoir » et « Ultra Secret », publiés en 2022, dans la droite ligne de l’humour absurde de son auteur).
Sinon, ces Nouvelles Aventures de Lapinot , septièmes du nom (et non du nombre si vous avez bien suivi), « d’après Goscinny & Uderzo », c’est une plongée savoureuse du héros phare de Lewis Trondheim dans l’univers du héros phare du duo génial que l’on ne présente plus. Lapinot est projeté sous les traits d’Astérix, dans le village d’irréductibles, sans trop comprendre comment et en conservant sa conscience XXIe siècle, d’où un décalage anachronique hilarant dès les premières cases (mention spéciale pour le « Vous faites mieux Obélix que Gérard Depardieu »).
Lapinot, qui a lu les albums d’ Astérix , se retrouve donc étrangement téléporté dans la peau du célèbre Gaulois et, passée l’excitation de ce saut temporel particulièrement caustique (un héros de bandes dessinées, qui a lu les aventures d’un autre héros de bandes dessinées et est coincé dans l’univers de ce dernier), passées les bourdes langagières modernes (qualifiée de « bretonnes » par facilité et par humour) et l’acclimatation au premier degré des autres personnages croisés (Obélix au premier plan), vient le prétexte aux Aventures qui, comme souvent chez Lewis Trondheim, ne tient qu’à un fil : Il s’agit de retrouver « un méchant qui s’appelle Erwann Plougalec » et qui veut voler la recette de la potion magique. Voilà voilà. Le méchant est donc breton et lui aussi a lu les albums d’Astérix.
Ce n’est évidemment pas dans cette mission, dont l’issue saute immédiatement aux yeux du lecteur, mais, de façon toujours aussi impatientante, beaucoup moins à ceux de Lapinot et de son acolyte, que réside l’intérêt des aventures de Lapinot. Mais dans l’appropriation méta des aventures d’Astérix qu’en propose Lewis Trondheim, que l’on en devine grand fan. Il faut avoir dévoré les albums d’Astérix dans sa jeunesse pour faire s’en émerveiller autant son personnage principal (Lapinot), dans un back to basics décapant, qui éreinte au passage les adaptations audiovisuelles de la bande dessinée à succès et interroge sur les incursions possibles d’un certain réalisme porté par Lapinot, personnage de BD adulte, dans l’esthétique cotonneux de la BD en « gros nez » de l’école de Marcinelle (à laquelle est rattaché Uderzo), plutôt destinée au jeune public. Ainsi de l’esthétique de la violence, ou la confrontation du gore comique que l’on retrouve dans la plupart des productions de Lewis Trondheim (Lapinot, Donjons, etc.) aux baffes incolores et non meurtrières d’Obélix.
Certes, l’intrigue à proprement parler est courtement ficelée et assez linéaire, mais la plongée absurde d’un Lapinot postmoderne dans les contrées riantes d’irréductibles Gaulois sauce Uderzo et Goscinny, le tout dans un esprit d’hommage parodique, est assez jouissif pour tenir le lecteur. On rit. Parfois honteusement. On sourit. Beaucoup (mention spéciale aux blagues sur les Bretons). Et à la fin, on est repu de cette légèreté revigorante, qui habite habilement la prolifique bibliographie de Lewis Trondheim.
Un bon Lapinot, à lire malicieusement en attendant le tome n°8, déjà prévu pour janvier 2023 !