La réalisatrice Oran Zegman offre, avec Honor Society , un premier long-métrage coming-of-age étonnamment frais, où les clichés des teen movies sont ingénieusement détournés pour montrer l’adolescence sous une lumière plus douce.
Étudiante en dernière année secondaire, Honor est prête à tout pour aller à Harvard et quitter sa petite ville natale. Multipliant les activités parascolaires, les actions caritatives et les flatteries grossières, la jeune femme a dédié son adolescence à constituer son dossier de candidature pour entrer dans la prestigieuse université américaine ‒ les connaisseur·ses remarqueront d’ailleurs certaines similitudes avec le personnage de Paris Geller dans la série télé Gilmore Girls . Notre héroïne apprend que son proviseur, interprété par Christopher Mintz-Plasse (connu pour son rôle de McLovin dans SuperBad ), hésite entre elle et trois autres élèves pour écrire son unique lettre de recommandation. Honor concocte alors différents stratagèmes pour éliminer ses compétiteur·rices : Travis l’athlète populaire, Kennedy l’intello lunaire, et Michael le nerd solitaire.
À la manière de Ferris Bueller dans le célèbre teen movie de John Hughes, Honor se présente à l’audience avec un monologue d’ouverture dans sa chambre, établissant le format du long-métrage. Cette cassure du quatrième mur est la technique-clé du film, peut-être un peu trop présente dans sa première moitié. Si cela permet d’apprendre à connaître notre protagoniste principale assez vite (que ce soit ses aspirations, ses habitudes mais aussi la fausse personnalité qu’elle s’est créée pour arriver à ses fins), les monologues à répétition, les bons mots et les petits regards caméra (non sans rappeler Jim dans The Office ) peuvent paraître redondants, une tendance qui se calme heureusement dans la seconde partie du récit, pour laisser fleurir plus d’échanges attachants entre les personnages.
En dehors du format, l’écriture du scénariste David A. Goodman est habile et pleine d’esprit. Contrairement à beaucoup de films adolescents actuels, les répliques ne sonnent pas comme si elles sortaient de la bouche d’un boomer qui tente de parler comme les djeuns . L’argot des réseaux sociaux est heureusement laissé de côté, permettant des conversations beaucoup plus naturelles. Quelques scènes font évidemment référence de manière cocasse aux selfies inutiles et aux hashtags débiles d’Instagram, aux routines sur-compliquées des influenceuses beauté et à la désuétude de Facebook. Mais cela reste simplement des éléments du décor, qui ne viennent pas entacher l’écriture du long-métrage.
Avec une réalisation aux plans simples, sans extravagance mais ingénieux (notamment dans leur transition), Oran Zegman met en avant une vision plus sincère, moins romanesque de ce qu’est l’adolescence, et se concentre sur une thématique essentielle du genre coming-of-age : la recherche de l’identité. Derrière son ambition dévorante, son arrogance et ses tendances manipulatrices, la personnalité attentionnée et déterminée de Honor (jouée par l’actrice Angourie Rice, qu’on a pu apercevoir dans la nouvelle trilogie Spider-Man ) se dévoile petit à petit, à mesure que ses subterfuges s’avèrent bénéfiques pour ses camarades.
Honor Society prend un malin plaisir à subvertir des tropes narratifs clichés de la teen comedy , bien que le long-métrage repose lui-même sur l’un des plus connus du genre : alors que Honor tente de séduire Michael (interprété par Gaten Matarazzo, acteur propulsé vers la célébrité grâce à la série Stranger Things ) pour le déconcentrer et lui faire rater ses examens, elle développe de véritables sentiments à son égard. Les fans reconnaîtront ici l’intrigue de bon nombre de teen movies (tels que She’s All That, 10 Things I Hate About You, John Tucker Must Die , etc.). Oran Zegman évite cependant le dénouement vu et revu de ces films, pour privilégier une fin moins romantique et plus authentique, qui se déploie dans un final flamboyant, même s’il est un peu vite expédié, lors de la comédie musicale de l’école ‒ sans doute inspirée des séquences musicales de la série Netflix Sex Education .
Si Honor Society ne révolutionne pas le genre, le film reste une agréable surprise, un feel good movie qui met l’accent sur les liens qui se tissent à l’adolescence, une période où finalement tout le monde se cache derrière un rôle pour survivre.