Joy Slam
Une jeune artiste disait dans les journaux, il n’y a pas si longtemps : « Je ne vais pas quitter la Belgique, je vais la fuir ». Elle expliquait pourquoi dans une carte blanche pleine de force et de sincérité, comme ce qui se dégage de la jeune femme quand on la rencontre. Cette femme n’est autre que Joy Slam, une chanteuse bruxelloise. Le regard et le pas sûrs, elle vous les plante comme ses paroles, juste là.
Si j’ai voulu écrire sur Joy, c’est pour rendre à nos artistes ce qu’ils nous offrent. La Belgique grouille de talents que l’on peut découvrir sur d’humbles scènes, à Bruxelles ou ailleurs. Ce n’est pas un secret, « la vie d’artiste », cette bohème que l’on peut fantasmer, n’est pas une sinécure. C’est un choix parfois difficile à assumer et, souvent, certains renoncent par manque d’opportunités, de soutien, de financements ou par épuisement, surtout administratif. C’est ce dont parle Joy dans sa carte blanche. En la lisant, je me suis dit que Bruxelles ne serait pas vraiment Bruxelles sans l’offre culturelle portée par ses talents. Quand un artiste renonce, c’est ma ville qui s’éteint un peu plus.
J’ai rencontré Joy à une scène ouverte qu’elle animait avec le collectif Slameke. C’est l’occasion de partager avec une salle bienveillante des textes, drôles, poignants, doux, engagés, rêveurs parfois hermétiques. La formule est simple : un texte, un verre offert. Se succèdent alors sur scène les amoureux des mots, confirmés ou s’essayant pour la première fois à l’exercice.
De son album, l’Art de la joie , une chanson s’est accrochée à ma cervelle : « June ». « June » est une chanson engagée qui rend hommage aux femmes à travers le temps et l’espace. Ce que j’aime, c’est le ton, un phrasé cadencé qui claque comme le terme slam lui-même. La mélodie qui jaillit des racines africaines de Joy projette des couleurs vives dans nos oreilles comme une toile de Basquiat. C’est entraînant, enivrant, et aussi endiablé que les sorcières dont elle parle. C’est le corps entier qui chante cet hommage à toutes les femmes. Le texte est sans concession, il est aussi personnel qu’universel, mitraillé comme des percussions.
Cette chanson a l’insolence urbaine d’une Bruxelles fauve et la volupté éclatante des terres qui ont avalé le soleil. C’est une ronde, une communion, une fête au nom de l’égalité.