Avec La grande panne , Hadrien Klent nous dépeint avec dérision la gestion politique d’une panne d’électricité à échelle nationale.
Paru en 2016, cette réédition par Le Tripode du roman de Hadrien Klent trouve un triste écho à l’actualité 2020 : d’un côté, une panne d’électricité qui immobilise un pays, de l’autre, une pandémie qui chamboule nos habitudes.
À la base du roman, un scénario simple : une explosion dans une mine du nord de l’Italie a projeté un nuage de graphite et, pour éviter que le nuage n’endommage les lignes à haute tension croisant son chemin, la France décide de couper son réseau électrique.
Pour explorer cette histoire, Klent choisit un point de vue principalement externe. Il s’attarde sur l’administration chargée de vérifier que la panne se déroule sans soucis, à savoir le président et son cabinet qui se sont isolés sur l’île de sein, lieu où le réseau électrique fonctionne encore. Ainsi, bien que de rares passages explorent la vie en France durant la panne, c’est davantage le point de vue d’une gestion de crise que le roman donne à voir. Une vision qui pourra décevoir le lecteur avide d’information sur le vécu réel de la panne par les citoyens, mais qui, au regard du récit proposé, permet de laisser plus de place à la thématique du politique.
Si on suit la panne de façon périphérique, plongé dans la machinerie politique, divers personnages apportent néanmoins un côté plus humain, notamment Alexandrine et Normand, d’anciens amants qui se retrouvent sur l’île. Le président, personnage perché, apporte de même une bonne part d’humour au roman. Le ton du récit est d’ailleurs léger, ne lorgnant jamais réellement du côté du drame, malgré la tension avec laquelle le sujet pourrait être exploré.
— Il y a un truc, quand même, non, avec le président ? C’est un mec bizarre, non ?
— Comment ça, « bizarre » ?
— Je ne sais pas… je trouve qu’il a l’air… étrange… pas normal… Un mec bizarre, quoi… Comment dire ? Il est un peu… un peu fou, non ?
Simple, efficace, sans fioritures, le style entraine directement le lecteur. Le récit est rythmé par un découpage en courts chapitres (n’excédant parfois pas plus de une page) et c’est surtout autour des dialogues que se construit l’intrigue. Si le côté elliptique, effréné du texte peut empêcher de s’attarder sur l’émotion, celle-ci n’en est pas pour autant absente et l’auteur arrive, en peu de mots, à faire percevoir ses personnages au-delà de leurs simples paroles.
La grande panne est un roman plaisant, amusant. On ne boude pas son plaisir, le rythme aidant à se prendre au jeu loufoque de la bureaucratie d’une gestion de crise. Néanmoins, on aurait aimé y déceler un sous-texte plus profond, une critique subtile et nuancée du monde politique.