Les Intranquilles de Joachim Lafosse
Pour son neuvième film, Les Intranquilles, Joachim Lafosse décide de s’attaquer à un sujet sensible : la bipolarité. Sélectionné en compétition officielle à Cannes, le film est reparti sans récompenses, et c’est bien dommage.
Les Intranquilles nous présente une famille : Damien et sa compagne Leila ainsi que leur fils, Amine. On s’aperçoit rapidement que quelque chose habite Damien et que sa femme et son fils sont constamment aux aguets. Pas forcément évident à distinguer durant la première partie du film, c’est plus tard que l’on remarquera que cette chose qui habite Damien, c’est un trouble bipolaire.
Le début de l’histoire ne laisse en rien présager le sentiment de lourdeur qui se dégagera pendant le film. Dès les premières minutes, le spectateur est déjà en proie à une contradiction, une sorte d’effet de bipolarité : alors qu’un agréable et apaisant bruit de vagues se fait entendre, le titre, Les Intranquilles, s’affiche en grand. Comme si le réalisateur voulait, dès le début, faire comprendre que le film sera un aller-retour constant entre deux états : d’une part le calme et d’autre part une certaine euphorie de l’instant présent.
Les Intranquilles est un film puissant, poignant, et profondément tourné vers l’humain (thème récurrent dans la filmographie du réalisateur). Que ce soit la thématique du couple ou de la honte, l’histoire creuse ces questions jusqu’à interroger le spectateur sur la manière dont il agirait dans de telles situations. La question de la prise de médicaments joue aussi un rôle important ici. Refusant systématiquement de les prendre, Damien prétexte qu’il se sent bien. Que penser des traitements lourds qui sont parfois nécessaires pour de telles maladies ?
Alors que le réalisateur aurait pu tomber dans le piège de la surenchère, c’est tout le contraire que l’on ressent ici. Campé par des acteurs pleinement investis dans leurs rôles, Damien Bonnard incarne ici un homme en proie à ses troubles, nous livrant ainsi une partition sans fausses notes. Il est difficile de ne pas compatir pour lui et se sentir touché par les différents états qu’il traverse. Leïla Bekhti est criante de vérité et nous offre quelques moments d’une rare intensité.
Pour ce qui est d’Amine, interprété par Gabriel Merz Chammah (le petit-fils d’Isabelle Huppert), c’est probablement lui qui incarne le mieux le titre du film. Le réalisateur a su, avec justesse, montrer les difficultés qui peuvent exister pour un jeune enfant de devoir faire face aux démences de son père et les situations embarrassantes que cela peut amener.
La mise en scène aussi n’est jamais dans l’exagération. Tantôt émouvants, tantôt angoissants, certains passages nous offrent de vrais moments de complicité. Le rythme général du film est parfaitement maîtrisé, mêlant d’une juste manière des scènes plus intenses et d’autres plus légères.
Les Intranquilles est un film coup de poing, qui suscitera chez certains une émotion certaine. Magnifiquement interprété par ses acteurs, ne jouant pas sur les clichés et installant une tension constante, le cinéma belge peut être fier d’avoir dans son patrimoine un tel film.