L’homme qui écoutait chanter l’oiseau de Christian Merveille et Valeria Docampo
Comptine d’un espoir pour l’éternité
Chargez les bagages ! Grâce à L’homme qui écoutait chanter l’oiseau, chacune et chacun obtient les clés pour se lancer dans un voyage de taille : celui de la vie. On s’imprègne du récit poétique de Christian Merveille et on en collectionne les multiples thématiques. Dans ma valise, j’ai : la torture, la dictature, l’autorité mais aussi la résistance, l’espoir et la liberté. Cet album jeunesse illustré majestueusement par Valeria Docampo nous offre l’opportunité de démarrer le dialogue, questionner et par-dessus tout, écouter.
Un rouge-gorge sur la couverture. Sans compter la place importante qu’il occupe dans le classement de mes oiseaux préférés, je me suis tout de suite demandé ce qui avait motivé ce choix. Symbole d’espoir, on considère que ce petit être rondement duveteux apporte réconfort et encouragement à ceux qui en ont le plus besoin. C’est à l’issue de cette découverte que j’ai entamé L’homme qui écoutait chanter l’oiseau. Je ne savais pas encore qu’elle me suivrait tout au long du récit, à l’image de l’oiseau accompagnant le héros au rythme de ses péripéties.
Christian Merveille raconte l’histoire d’un homme qui résiste. Une autorité extrême et des règles strictes régissent la ville dans laquelle il vit. Lors d’une journée en l’honneur du roi, les consignes sont claires : au passage de sa majesté, il est obligatoire de se positionner face contre terre, couché. Un seul homme ne s’exécute pas et reste debout pour « écouter l’oiseau ». Arrêté, emprisonné puis torturé, on est témoin de la vie d’un héros qui fait face et survit grâce à un espoir infini.
L’espoir en question est représenté par un oiseau qui suit le personnage principal de page en page. Valeria Docampo l’illustre tantôt de manière imposante, tantôt tout petit, de façon presque imperceptible sur les doubles pages de l’album. Posé sur une branche ou sur la tête du protagoniste, on découvre dès les premières pages les couleurs rouges/orangées caractéristiques du rouge-gorge. La teinte choisie pour son pelage est chaude, rassurante. Du rouge, il y en a pourtant dans l’ensemble du livre mais jamais le même que celui de l’oiseau. On retrouve du pourpre sur les personnages qui représentent l’autorité ou encore en arrière-plan des scènes où l’injustice et la torture s’expriment.
En opposition, on retrouve un protagoniste dont la couleur beige calme et rassure. Malgré de nombreuses scènes violentes et cruelles, Christian Merveille décide de rendre le personnage principal extrêmement résilient. Ses paroles ne sont jamais empreintes de colère ou de vengeance. Les actes qu’il pose sont des signes clairs de rébellion face à un système autoritaire. Cependant, ils ne sont pas présentés comme tels mais plutôt comme un besoin de liberté inébranlable qu’on pourrait apparenter à de la folie ou de la naïveté compte tenu du contexte.
« Un garde s’approche.
― Couchez-vous ! hurle-t-il.
― Chut, répond l’homme en faisant un petit geste de la main. J’écoute l’oiseau…
― Couchez-vous ou je vous arrête !
― Arrêtez-moi si vous voulez, moi, je veux écouter l’oiseau… »
L’homme et l’oiseau sont représentés ensemble tout au long du récit. Raison de vivre (ou de survivre), l’animal n’est entendu et écouté que par le protagoniste. Lorsque les bourreaux se rendent compte que le prisonnier tient le coup grâce au chant de l’oiseau, ils vont tout mettre en place pour que le contact soit rompu. C’est alors qu’interviennent les scènes de torture : yeux crevés (pour ne plus voir le volatile) et tympans percés (pour ne plus l’entendre). La dernière étape étant l’enfermement de l’ensemble des oiseaux de la ville. Les scènes de violence sont énoncées mais leur représentation est toujours suggérée prudemment par des illustrations dont la poésie étonne face aux propos.
À la fin de L’homme qui écoutait chanter l’oiseau, on prend conscience d’un élément important : la notion d’espoir qu’on pensait être attribuée à l’animal se révèle en fait incarnée par le héros. Lorsque l’ensemble des oiseaux de la ville sont enfermés et que le protagoniste ne peut plus ni les voir ni les entendre, il ne lui reste que sa mémoire pour que son compagnon puisse vivre à travers lui. Dans la scène finale du livre, lorsque le roi est mort et que la ville est libérée, l’homme sent les ailes de l’ensemble des oiseaux le frôler et il se met à voler avec eux. On peut interpréter ce moment comme une révélation. La personne qui résiste face à un système autoritaire représente elle-même l’espoir.
L’homme qui écoutait chanter l’oiseau est un album jeunesse qui se partage. On l’ouvre en classe ou à la maison, on lance les discussions et on laisse les enfants s’en imprégner pendant la récréation ou entre deux tartines choco à la maison. L’enfance est pleine d’espoir, à l’image de toutes les personnes qui décideront de creuser les sujets abordés dans ce livre car, pour percevoir la mélodie de l’oiseau, il faut avant tout l’écouter et la comprendre.