Lorsque l’auteur d’une série de romans à succès se retrouve séquestré par sa fan numéro un, l’angoisse glisse cyniquement entre la terreur et le rire.
Présenté au Théâtre Royale des Galeries, Misery aura eu peu de temps pour dégriser l’horreur au travers de son humour sadique. De fait, la pièce n’aura vécu qu’une petite semaine avant son annulation, due à la fermeture des lieux culturels à la suite de la pandémie 1 . Adaptation par William Goldman d’un roman éponyme de Stephen King 2 , la pièce repose principalement sur son duo d’acteurs principaux, David Leclerq et Cathy Grosjean, campant des personnages qui s’opposent, s’apprécient, s’accrochent, se détestent. Paul Anderson avive la pièce de répliques sarcastiques qui font mouche, alors qu’Annie Wilkes, elle, inquiète par son caractère indécis, ambiguë. Wilkes apporte une folie à deux faces, à la fois mièvre dans l’expression de sa passion pour le talent de son écrivain adulé, et nerveuse lors de l’éclatement de sa colère.
Mis en scène par Fabrice Gardin 3 , Misery tire tout le bénéfice d’un décor mobile, tournant sur lui-même et dévoilant tout à tour les pièces de la maison d’Annie, un procédé qui permet de plonger le spectateur au cœur du huis clos. Certaines séquences où les personnages circulent pendant que le décor tourne sont d’ailleurs visuellement captivantes. Le passage d’une pièce à l’autre se trouve rythmé par le mouvement circulaire du décor et, nimbé d’une musique lancinante, ce mouvement amplifie le sentiment d'angoisse et de précipitation d’une histoire qui s’approche inéluctablement d’une fin funeste.
Au-delà de ce décor rotatif qui permet d’alterner ou d'amorcer la transition entre différentes scènes, le récit se rythme aussi grâce à différentes ellipses suggérées par une lumière des projecteurs qui s’éclipse épisodiquement.
La musique, déjà évoquée, permet à la pièce de se raccrocher à une atmosphère angoissante, ce que l’humour présent dans l’interaction du duo Paul et Annie tend à effacer. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que Misery pourra perdre le spectateur. La pièce a en effet du mal à trouver son ton, et l’alternance horrifique et comique coince par moment, jusque dans le jeu des acteurs, où une réplique peut tomber à plat, perdue entre les genres.
Vendue comme un thriller horrifique, l’adaptation scénique de Misery relève davantage de la comédie noire. Si l’angoisse ne s’insinue pas en crescendo, on prend néanmoins plaisir à suivre le duo Paul Sheldon et Annie Wilkes dans leur affrontement horrifico-burlesque.