critique &
création culturelle

Bota(chro)nique

Averses nostalgiques

Ce 22 janvier, Muddy Monk faisait une halte au Botanique. L’occasion pour le rider fribourgeois de partager ses dernières créations, dont un dernier opus brillant, sorti en juin dernier. Retour sur une soirée aux commandes d’un pilote créatif et sensible.

Si Bruxelles en début d’année rime avec froid polaire et brouillard, rien de mieux qu’un concert pour réchauffer l’atmosphère et dissiper toute trace de blues. Ce soir, direction l’Orangerie pour retrouver Muddy Monk, dont la musique oscille entre errance et éclats de lumière. Après Bingo Paradis, reste à voir si la partie est vraiment gagnante ou si je vais repartir bredouille.

 

The Feather, brise acidulée

Le bal s'ouvre délicatement, comme un vent tiède avant l’orage, avec The Feather. Le projet solo de Thomas Medard, voix emblématique de Dan San, signe son grand retour avec de nouvelles compositions raffinées. Dans une atmosphère feutrée, il dévoile ses derniers morceaux, « See You Again » et « Always You », produits avec soin entre la Belgique, l’Espagne et les États-Unis. Coup de cœur absolu pour sa reprise de « Missing » d’Everything But The Girl, où la pulsation house originelle fait place à une instrumentation épurée et organique, portée par une voix feutrée et un brouillard de réverbération. Loin de se cantonner à la douceur, ses percussions aériennes et ses mélodies élégantes installent une tension subtile, préparant le terrain pour la tempête émotionnelle à venir.

Muddy Monk, pluie providentielle

21h environ, ça joue presque des coudes pour trouver une place digne du spectacle qui nous attend à l’Orangerie. Il faut dire que sur le papier, la soirée a de quoi séduire. Formé aux cours d'impro jazz, DJ, attiré par les ailleurs fantasmés, Guillaume Dietrich alias Muddy Monk a grandit en Suisse, marqué par Laurent Voulzy, la country, Sébastien Tellier et la bossa nova. Coincée quelque part entre variété française et synthwave, sa musique a un goût de road- trip solitaire, entre introspection mélancolique et épiphanie joyeuse. Après le salué Longue Ride (2018) suivi du plus expérimental Ultra Dramatic Kid (2022), l’auteur-compositeur-interprète a refait ses preuves avec Bingo Paradis, dévoilé l’été dernier. Un projet à la sensibilité ingénieuse – restait à voir si les morceaux tenaient la route en live.

Sur scène, exit l'ensemble de course automobile qui l’a un temps accompagné, troqué pour un uniforme passe-partout. Tandis qu’une pluie de synthés s'abat, les premières notes de « Baby » nous emportent dans l’univers brumeux de Muddy. La setlist déroule un panorama atmosphérique où chaque titre module la pression ambiante. « En Tandem » et « Lili Pacino » jouent avec les éclaircies d’une pop électronique vaporeuse, tandis que « Chaki Queen » et « Soldat Boy » tonnent de rythmes plus cadencés. Piochant dans son répertoire, Muddy Monk vogue à travers des paysages mélancoliques dessinés à l'encre bleu mer. Quand vient « Tic Tac », perle de la soirée, le temps semble suspendu. Sur scène, l’artiste oscille entre une nonchalance hypnotique et des éclats de fièvre, guidé par ses machines comme un pilote dans la tempête. Après une envolée euphorique sur « Toujours t’avoir », la pluie d’émotions s’intensifie avec un rappel en trois temps. « Splash » fait déferler ses vagues synthétiques sur le public, avant que « Si l'on ride » ne vienne clore la soirée sur une note plus intime, presque suspendue, comme un dernier rayon de soleil après l’averse.

En alternant accalmies et bourrasques avec une précision météorologique, le contrat est plus que rempli. Un concert qui ne prend pas l’eau mais où l’on se laisse tremper, sans jamais chercher à se mettre à l’abri. Une traversée qu’il faut s’accorder au moins une fois.

Même rédacteur·ice :

Bingo Paradis 

De Muddy Monk 

Half Awake Records, 2024

33 minutes

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