critique &
création culturelle

Bota(chro)nique

Reine et prince au chapiteau

Cette année encore, plus d’une centaine d’artistes se sont relayé·es pour faire vibrer le public des incontournables Nuits Bota. Ce 25 avril, rendez-vous était pris sous le Chapiteau pour une soirée nouvelle scène, aux commandes de Bonnie Banane et Lewis OfMan.

Si la notion de printemps à Bruxelles semble relative, c’est d’un pas décidé (et d’une doudoune chaude sur le dos) que je me rends au Jardin Botanique pour la seconde soirée du festival. Ce soir, je mise sur deux artistes que je connais déjà : Bonnie Banane et Lewis OfMan. Tous deux ayant sorti de nouveaux projets réussis, l’enjeu est de comprendre si la magie opère aussi en live.

Préambule

Les hostilités du jour s’ouvrent avec Noshka, nouvelle figure du paysage musical francophone. L’attitude est timide en apparence et le style très (trop ?) proche de Billie Eilish circa 2020. Malgré un public peu réceptif, la chanteuse lyonnaise offre une performance portée par une jolie voix, puissante et cristalline. Ça pêche un peu plus sur le contenu des textes peu originaux et une diction incertaine sur certains passages. On salue tout de même les belles vocalises dont elle nous fait cadeau durant ce set. En somme, la proposition a du potentiel, à redécouvrir quand elle aura pris du galon.

Apogée

À 19 heures, pour ces retrouvailles avec Bonnie, je décide de me hisser au premier rang afin de ne rater aucune miette du show. Cachée derrière un voile rouge et de grandes lunettes noires de raveuse, Bonnie Banane entonne « Instant Karma », morceau d’ouverture de son nouvel opus Nini. « Quelque part je t’aime, je t’aime quelque part » souffle-t-elle entre les sifflements d’oiseaux et les accords de piano de l’instrumental. Il n’en faut pas plus pour que l’assistance soit pendue à ses lèvres. Une chanson tout en échos et superpositions de voix qui donne le ton. Transpirante de charisme, la chanteuse poursuit sa performance avec « Sacha », ôde aux regrets amoureux portée par des sonorités dansantes, subtil mélange de bossa nova et de soul, parsemé d’humour pince-sans-rire.

Picorant dans son répertoire, la chanteuse parisienne offre une prestation alternant morceaux de son premier album, Sexy Planet, tels que « La Lune et le Soleil » et « Cha-Cha-Cha » aux textes faussement naïfs, ou encore les plus récents « Hop-là » et le très rock « Hoes of Na ». Véritable interprète théâtrale, Bonnie allie avec maestria drôlerie et sensualité ; sa présence scénique nous happe totalement comme sur l'extrêmement relatable « PMS » ou le plus déluré « Franchement », morceau incisif, effronté et un poil politisé. C’est tellement bon qu’on en reprendrait une part. Ça tombe bien, elle nous propose une seconde version encore plus énervée en guise de clôture apothéotique.

Nourrie de ses expériences, la musique de Bonnie Banane parvient à nous toucher en plein cœur sans une once de pathos. Sur scène, elle nous guide à danser au rythme de l'incertitude, à rire en dépit de l'obscurité, fusionnant l'exubérance d'un clown avec la dignité d'une pleureuse. Un travail d’apparence brut mais qui relève de l’orfèvrerie. Bonnie est résolument une artiste originale, assumée et assumant tous les éclectismes qui la composent.

Épilogue 

Deux ans après la sortie du funky et dansant Sonic Poems, Lewis OfMan était de retour pour présenter Cristal Medium Blue sur la scène du Chapiteau. Ce nouvel album, tout en samples, expérimentations et influences rock des Sixties, est le fruit de plusieurs mois d’exploration aux États-Unis. Accompagné comme souvent d’une guitare électrique, il s’est également entouré d’une joyeuse troupe : un batteur, un guitariste folk, une bassiste et une choriste.

Exit l’alliage dance-pop du dernier opus, le multi-instrumentiste français réinvente l’essence de son son et propose une musique inspirée de son enfance qui sent la guitare et la liberté. En guise d’exemple, on remarque l’excellent single « Frisco Blues » et sa boucle entêtante ou encore l’énergisant « Caballero », tout droit sorti d’un western spaghetti moderne. Il faut admettre que la musique de Lewis OfMan est marquée par ses gimmicks qui rendent la proposition ludique et en quelque sorte attachante. Hélas, en live, la formule devient un peu répétitive et manque cruellement de relief.

Qu’on se le dise aussi, après la performance de Bonnie qui place la barre dans les hauteurs célestes, mes attentes pour la suite et fin de soirée étaient pour le moins exigeantes. Accusant un léger retard et des soucis techniques sur scène, Lewis OfMan et sa troupe ont fait de leur mieux. Était-ce un coup de cœur ? Non. Suis-je restée jusqu’à la fin du set ? Toujours pas. Cependant, la prestation du frenchie s’est bien défendue et est parvenue à en charmer plus d’un·e si j’en crois l’ambiance enjouée sous le Chapiteau, et ce en dépit du froid que la météo imposait ce mardi soir de fin avril.

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