Rebel
Influenceurs
Et si le spectateur découvrait le quotidien des soldats de l’État islamique ? C’est ce que propose en partie le film Rebel , réalisé par Adil El Arbi et Bilall Fallah. Une plongée dans l’enfer de la guerre et de ses désastreuses conséquences. Présenté en séance de minuit au festival de Cannes 2022, Rebel dérange et interroge sur le pouvoir et les répercussions d’un endoctrinement. Une œuvre dure.
Ayant commencé avec des films belges, dont Black qui avait créé une polémique suite à certaines scènes difficiles et des incidents lors de la projection, le duo de réalisateur s’est ensuite tourné vers des productions américaines importantes ( Bad Boys for Life , la série Miss Marvel ). Avec Rebel , Adil et Bilall nous offrent un film visuellement impressionnant. Que cela soit les séquences de danse ou d’action, certaines scènes décollent la rétine et prouvent que le duo sait y faire en matière de spectacle.
Malheureusement encore d’actualité, l’État islamique est une organisation qui intrigue. Comment certaines personnes succombent -elles à leurs discours ? Comment ses soldats s’organisent-ils ? Autant de questions que le film tente de résoudre d’une façon la plus réaliste possible grâce à un travail de documentation en amont. En effet, Adil El Arbi et Bilall Fallah ont discuté avec des terroristes de Daech (aujourd’hui emprisonnés dans des prisons kurdes) afin de recueillir le plus d’informations possibles. Le résultat est terrifiant de réalisme .
Molenbeek, Bruxelles. Kamal, jeune rappeur, vit avec son petit frère Nassim et leur mère Leila. Celle-ci reproche à Kamal ses mauvaises fréquentations. Suite à ces multiples remarques et ne voulant pas prendre le risque de mal influencer son petit frère, il décide de partir en Syrie en tant que volontaire pour venir en aide aux victimes de la guerre. Une fois là-bas, il sera recruté par l’État islamique contre son gré en tant que caméraman pour leurs vidéos de propagande. Pendant ce temps, Nassim va se faire manipuler par des partisans de l’EI à Bruxelles et choisit de partir rejoindre son grand frère.
Abordant une thématique très sensible, Rebel a la qualité de ne pas porter de jugement sur son sujet. Bien sûr, certaines facilités scénaristiques et une histoire d’amour légèrement à l’eau de rose empêchent le film d’être tout à fait excellent. Néanmoins, la réalisation ou sa représentation du quotidien de l’EI très réaliste constituent les véritables points forts du long-métrage.
Tout d’abord, les scènes de danses. Chorégraphiées par le danseur belge Sidi Larbi Cherkaoui (qui a notamment fait la chorégraphie du clip « Apeshit » de Jay-z et Beyoncé au Louvre), les danses du film mêlent des mouvements tantôt doux, tantôt plus brutaux. Comme si les corps parlaient d’eux-mêmes de la guerre. Filmées à la manière d’un clip de rap où les acteurs chantent en dansant, elles se mélangent à l’histoire pour donner un résultat assez intéressant mais qui peut par moment gâcher la tension installée. Par exemple, lorsque Kamal se retrouve torturé pour trahison, il se met à rapper et la suite de la scène ressemble à un clip vidéo. Malgré cela, ces instants musicaux sont extrêmement bien chorégraphiés et les sonorités hip-hop se mélangent à des mélodies plus orientales pour donner une bande-son puissante, électrisante, sur laquelle il est difficile de ne pas hocher la tête.
Autre point fort de Rebel : l’immersion au sein de l’EI. Comme expliqué plus haut, Adil El Arbi et Bilall Fallah ont pris le soin de se documenter un maximum pour retranscrire au mieux les conditions de vie et les vices psychologiques de l’organisation. On peut y voir comment un individu est prêt à perdre sa raison et sa vie au nom d’une idéologie qui n’est pas la sienne mais qui est dictée par un chef à qui l’obéissance et la soumission sont obligatoires. Ces scènes nous font également réaliser l’importance de la propagande. En demandant à Kamal de filmer tel cadre avec telle mise en scène, le chef de l’EI cherche à provoquer la plus grande terreur possible grâce au pouvoir de la vidéo.
Malheureusement, le récit de Nassim et de sa mère font baisser le film en intensité. La faute à des raccourcis trop flagrants (surtout dans la dernière partie) qui donnent l’impression que les réalisateurs ont voulu boucler trop rapidement leur film. Sujet difficilement résumable en deux heures, on sent que les réalisateurs ont dû faire des choix pour joindre les différents récits de la meilleure manière possible.
Pour ce qui est du casting, celui qui se démarque le plus est Aboubakr Bensaihi (Marvaw dans Black (2015) des mêmes réalisateurs ) qui joue le rôle de Kamal. Véritable dur à cuire dans son quartier au début, il se transforme en un être fragile et craintif une fois embrigadé dans l’EI. Cette opposition de caractère offre une puissance au personnage, particulièrement bien retranscrite par l’acteur. À noter l’interprétation intéressante du jeune Amir El Arbi (petit frère d'Adil El Arbi) qui joue Nassim.
Rebel offre un récit poignant et visuellement impressionnant. Basé sur des faits réels, il offre une véritable réflexion sur le conditionnement humain et les horreurs de la guerre dans cet endroit du monde. Rebel est dur, réaliste, et c’est probablement sa plus grande réussite.