critique &
création culturelle

Relations d’incertitude

de Élisa Brune et Edgar Gunzig Vulgariser l’histoire

Relations d’incertitude est un livre co-écrit par Élisa Brune avec Edgard Gunzig. D’abord paru aux éditions Ramsay en 2004, le roman est réédité en 2022 dans la collection Espace Nord . Une jeune journaliste rencontre un professeur et la physique se mêle à l’histoire mouvementée de ce dernier. Une discussion passionnante.

Élisa Brune (1966-2018) était romancière et journaliste scientifique belge. Docteure en sciences de l’environnement, elle fera cohabiter pendant toute sa vie son travail de romancière et celui de journaliste . Relation d’incertitudes en est la colocation idéale. En 2004, Élisa Brune reçoit d’ailleurs le prix Victor Rossel des jeunes pour ce livre.

Décrit comme un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) par l’astrophysicienne belge Yaël Nazé dans la préface, Relations d’incertitude est un ouvrage à part. Au cœur du roman, il y a la physique et le travail d’Edgard G. . Ce dernier propose à une jeune journaliste, Hélène Anciaux, d’écrire un texte de vulgarisation scientifique. Les rencontres hebdomadaires entre Hélène et Edgard ouvrent la porte vers d’autres lieux de la vie du physicien. Leur travail devient alors un récit.

« Toute ressemblance avec les deux auteurs n’est pas une pure coïncidence. »

Déjà intrigué par la formule inédite de cet ouvrage, c’est avec curiosité que l’on rentre dans les échanges entre Hélène et Edgard, les deux personnages du roman. Et peut-être est-ce le bon état d’esprit puisqu’au-delà de transporter le lecteur dans le parcours de vie mouvementé d’Edgard  et de sa famille, la promesse des auteurs est la découverte du travail du physicien dans son domaine. Et ils expliquent, aux moldus des sciences physiques que nous sommes, au détour d’une conversation, en quoi a consisté la thèse du docteur sur la théorie quantique des champs , notamment. Et les liens réalisés avec la vie d’Edgard G.

« Imaginez, que l’on étudie le comportement d’un ensemble de particules soumises à diverses forces qui agissent entre elles. Elles forment alors des structures complexes qui résultent de l’action de ces forces. Mais que devient tout cela si les forces disparaissent (sont mises à zéro) ? »

Le roman n’a pas de décor, pourtant il en traverse aussi mille. La maison d’Edgard, son salon, sa cuisine sont le lieu de ses rencontres avec Hélène. Et puis il y a la Pologne, où le physicien a grandi pendant les années cinquante et tous les autres endroits clés de son parcours et de celui de sa mère. Edgard est un bon conteur et, pour chaque éclat de sa vie, il embarque son public, Hélène comme les lecteurs, avec lui dans ses souvenirs. Il les évoque comme une sorte d’introspection, très proche des émotions. À chaque page, il est facile de se surprendre à voir l’histoire se dérouler devant ses yeux : se retrouver dans la maison d’Edgard en compagnie d'Hélène, ou dans la salle de classe d’Edgard, enfant, alors qu’il aidait ses camarades en mathématiques.

La relation entre Hélène et Edgard G. donne aussi le tempo de ce qui sera dit, et de ce qui sera laissé dans l’ombre. Ils ne se connaissent pas, se rencontrent à travers l’ouvrage. Et avec la relation qui évolue, les récits se développent sous nos yeux. Il est très accueillant de rencontrer les deux personnages principaux en même temps qu’ils apprennent à se connaître. Avoir les réactions d’Hélène, ses réflexions face aux souvenirs d’Edgard donnent le sentiment de pouvoir partager des confessions.

Malgré ses 600 pages bien faites, le roman est bien rythmé. Il est découpé en neuf parties, elles-mêmes composées de nombreux courts chapitres. Chacun d’eux est une capsule qui donne envie d’ouvrir la suivante pour découvrir un petit bout de savoir, une tranche de vie.

Relations d’incertitudes est une curiosité, chaque aspect éveillant l’envie de suivre ce duo : l’évolution d’Hélène dans son métier, le parcours de vie tourmenté d’Edgard, ses connaissances et recherches. La barrière de la physique n’attendait que de tomber et elle ne doit pas arrêter le lecteur à la quatrième de couverture du livre.

Même rédacteur·ice :

 

Relations d’incertitude

De Élisa Brune et Edgar Gunzig

Espace Nord, 2022

603 pages

Voir aussi...