Second tour de Albert Dupontel
dernier essai
Second Tour est un long-métrage d’Albert Dupontel, qui se coiffe une nouvelle fois de son habituelle triple casquette de scénariste-réalisateur-acteur. Une campagne présidentielle habitée par un candidat à l’Elysée aux allures un peu trop lisses, une journaliste indisciplinée plutôt curieuse ainsi que son acolyte qui remplit toutes les cases du comique, tels sont les ingrédients qu’Albert Dupontel a utilisés pour son dernier film.
On peut dire beaucoup de choses avec de l’humour. Et Albert Dupontel l’a bel et bien compris. Il use des codes de la comédie dramatique qu’il affectionne tout particulièrement pour parler des « gens qui nous gouvernent et qui sont incapables de reconnaître leurs erreurs » nous dit-il. Pas besoin d’en savoir plus pour en deviner la couleur… Un brin rebelle, voire anti-système, Albert Dupontel partage avec brio ce qu’il pense du « monde et de ses dérives » à travers les codes de la comédie. Un essai politique prenant la forme d’un long-métrage… c’est osé, mais ça marche !
Mademoiselle Pove, ancienne journaliste politique, s’est vue muter à la rubrique football du média pour lequel elle travaille après avoir voulu dénoncer les manigances controversées de son directeur, ce qui est pourtant attendu d’un journaliste. Après une succession d’évènements douteux, elle se trouve être la seule à pouvoir suivre Pierre-Henry Mercier, le favori de l’élection présidentielle. Elle se rappelle alors petit à petit qu’elle a connu ce brillant économiste par le passé et qu’il avait l’air bien moins irréprochable et sans faille qu’il en a l’air aujourd’hui... S'ensuit alors une enquête de Mademoiselle Pove pour savoir quel secret Pierre-Henry Mercier cache-t-il.
Le casting de Second tour est splendide. Cécile de France, dans le rôle de la journaliste, a effectué un travail de qualité. L’expression corporelle, les gestes, la posture, tout est Mademoiselle Pove, rien n’est Cécile de France. Pour une première performance avec Albert Dupontel, c’est une réussite. Et quel bonheur de voir Nicolas Marié prendre plaisir à jouer le rôle de Gus, son acolyte, un personnage constamment à côté de la plaque qui a toujours le mot pour rire. Ce qui n’est pas évident à jouer ! Se rendre crédible quand on essaye de faire rire est une tâche que peu sont capables de remplir, mais Nicolas Marié sait se rendre convaincant. Albert Dupontel, quant à lui, dans le rôle de Pierre-Henry Mercier, le candidat à l'Élysée, semble profiter pleinement de l'occasion pour exprimer sa propre vision du monde, caché derrière les mots et les gestes de ce personnage qu'il a lui-même façonné.
Toutefois, l’intrigue est un peu trop légère, quoique bien menée. Quelques raccourcis scénaristiques par-ci par-là, quelques incohérences et surtout quelques évidences auxquelles tout le monde s’attend… La trame construite par Albert Dupontel joue avec la simplicité. Même si, après tout, ça ne reste qu’une comédie, dont on ne s’attend pas à ce qu'elle révolutionne le monde du cinéma.
Une erreur dans la réalisation de cette comédie dramatique est peut-être, tout simplement, d’en être une. Avoir choisi ce genre cinématographique est-il vraiment judicieux pour convoyer le message de son scénariste ? Ce choix pourrait avoir pour conséquence de limiter la prise au sérieux du contenu, alors qu'il aurait pu être abordé de manière plus profonde et bouleversante. Bien qu’en faire une comédie rende le message politique plus accessible, cela pourrait minimiser la gravité des enjeux discutés, et laisser le spectateur sur sa faim alors qu’il pourrait être davantage impacté par le message qu’Albert Dupontel tente de faire passer. Cela rend léger un contenu qui se veut engagé, moralisateur et accusateur… Albert Dupontel arrive-t-il aux limites de son genre de prédilection ?
Soit, Second tour est d’un brillant contraste. Celui-ci s'exprime non seulement dans l'écriture du scénario, mais aussi à l'écran. Tantôt dans les tons froids, tantôt dans les tons chauds, la colorimétrie du long-métrage est assumée. Les couleurs s'harmonisent avec l’ambiance, servent le visuel et renforcent la narration. Contraste, opposition ou disparité, appelez cela comme vous voulez : dans tous les cas, le message est passé. Un parfait équilibre entre le fond et la forme, entre le sérieux et l’absurde, entre le divertissement et l’engagement, est bel et bien présent, consolidé et maîtrisé.
En somme, Second Tour est réussi, grâce à des performances solides et à une direction artistique soignée, mais le potentiel qui l’habite n’est pas suffisamment exploité. Néanmoins, Albert Dupontel réussit à transmettre son message politique avec humour, ce qui pourrait trouver grâce aux yeux de certains spectateurs. En fin de compte, Second Tour reste une comédie française réussie, mais qui aurait pu aspirer à davantage.