Un appartement à Paris, une maison à San Francisco, des initiales, des pattes d’eph. Dans Song Book , Carole Zalberg revient sur sa jeunesse, avec les chansons qui remontent à la surface de sa mémoire en même temps que les bribes d’adolescence. Elle se souvient des noms et des visages comme un carnet d’adresses, des gens qu’elle a aimés.
Les premières lignes, quoique singulières, nous font penser à un mélange d’ambiance entre Lara Pawson et Déborah Lévy . C’est peut-être l’écriture dépouillée et les trouvailles cocasses au fond de la mémoire, d’apparence dérisoire et pourtant plus profondes. La richesse d’un joli mot de vocabulaire noyé dans une harmonie de phrases simples et limpides.
« Car elles ne tombent pas n’importe où ces notes tragiques, elles ne font que réactiver la conscience d’un monde susceptible à tout instant de partir en lambeaux.
Mais tu me les transmets, à moi l’écrivaine, à moi qui réinvente toujours un peu de notre histoire dans des fictions parfois très éloignées de nous. »
La seule chose qui manque au départ, c’est la chaleur qui nous emmène, mais de chansons en chansons, certains refrains suaves nous font nous asseoir dans les appartements décrits.
La mansarde parisienne, le visage d’Antoine, amant puis compagnon trois fois. Même partagé, le vécu reste si intime et singulier qu’on ne se l’approprie pas comme une chose qui nous ressemble, mais on est le lectorat attentif, invité à observer les sentiments évoluant comme le corps. Des premières boums aux amours longues, en passant par les rencontres estivales, suivant leur cours sur la voix veloutée d’Anita Baker ou encore de Simon et Garfunkel. Après le roman graphique, voici le roman parolier. On retrouve avec surprise un refrain devenu universel dans des meubles qui nous sont inconnus, lui conférant une résonance différente ; avec une place toute autre que celle donnée par Kay Tempest aux références insérées dans Inconditionnelles , en plus pastel et doux que Vernon Subutex .
Contrairement aux films, le son a, ici, une fonction différente : celle d’accompagner, de partager, sans être un exhausteur d’émotions envahissant le tout afin de provoquer le ressenti.
Les lieux sont presque décrits comme des êtres, vibrants et organiques. Les êtres sont presque décrits comme des lieux, l’espace d’une partie de soi éphémère. Sans chambouler et sans révolution, Song Book s’installe, ses mots coulent jusqu’au point final. On ne s’attache pas à une virgule ou aux êtres qui défilent comme l’album photos d’inconnus mais on apprécie la lecture comme un tour en voiture, fenêtre ouverte sur le soleil.