Takahiko Sakamaki
Avec un jeu extrêmement précis, une technique flamboyante et une sensibilité touchante, ces deux jeunes lauréats du Concours International de piano de Bruxelles 2017 ont offert un récital au programme varié et original.
C’est au sein de l’Abbaye Musicale de Malonne, et plus précisément de l’école de musique « Klaviatura » que les amateurs de piano se sont donnés rendez-vous le dimanche 29 avril 2018. Au programme, deux récitals. L’un donné par Takahiko Sakamaki, 2e prix du concours susmentionné. L’autre par Tianhong Yang, 1 er prix.
Le jeune et timide Takahiko entre dans la petite pièce feutrée aux allures de « salon » romantique où se donnent certains concerts organisés par Klaviatura . D’origine japonaise, Takahiko étudie actuellement en Allemagne. Les premières notes de la sonate « Les Adieux » de Beethoven retentissent, et déjà l’atmosphère mélancolique du premier mouvement envahit l’espace. Cette sonate écrite en 1809 fut dédiée à son ami l’archiduc Rudolph. Notons que cette sonate est la seule qui porte un nom donné par Ludwig lui-même. Dans une interprétation élégante et fine, Takahiko emmène son public à travers les trois mouvements du morceau.
Après un tonnerre d’applaudissements, arrivent les fameux « Jeux d’eau » de Ravel, composés en 1902. Ravel est connu pour avoir donné à sa musique une dimension subtile, raffinée et élégante. C’est bien ces dimensions qui apparaissent en écoutant Takahiko. Le cadre très intimiste de la pièce où se déroule le récital ne fait que renforcer le côté touchant de cette pièce.
Il est intéressant de se pencher sur son interprétation du Carnaval de Schumann, cette suite de 22 pièces écrites en 1834. Takahiko enchaîne les notes avec une facilité déconcertante. Outre le fait qu’aucune note ne soit frappée à côté, il est habité par un sens certain du phrasé et de l’expressivité. Ce Carnaval en deviendrait presque envoûtant. Takahiko a une ligne directrice et sait parfaitement où il va. Ce jeune pianiste possède aussi un certain sens de l’humour, puisqu’il n’hésite pas à lancer de légers clins d’œil à son public.
Après une pluie d’applaudissements, Tianhong Yang entre dans la salle. Très vite, je m’aperçois que si sa technique est encore meilleure que celle de Takahiko, l’âme et les sentiments développés à travers son jeu seront sans doute moins présents que lors du premier récital. Après la sonate de Haydn opus 34, la fantaisie et fugue BWV 543 de Bach (retranscrite par Liszt), le poème opus 32 de Scriabine, et enfin l’œuvre contemporaine de Haofu Zhang « Lune solitaire et silencieuse », Tianhong entame la célèbre sonate opus 7 de Prokofiev, plus connue sous son figuratif surnom : « Stalingrad ». La fougue et la violence qui se dégage des mains de Tianhong laisse le public sans voix. La force et la puissance de l’interprétation ne desservent cependant pas la musicalité, nécessaire également à ce morceau. Ainsi, le déchirant 2e mouvement retrouve tout l’aspect nostalgique de la Russie d’avant-guerre.
Tianhong Yang et Takahiko Sakamaki sont donc deux jeunes pianistes plus que prometteurs. Ils préparent tous deux le prestigieux concours Reine Élisabeth, ce qui laisse deviner leurs futures ambitions. Avec ces musiciens, la musique dépasse les frontières des pays, et les frontières des cœurs.