Vous étiez ma maison
Vous étiez ma maison , parution de la maison d’édition belge Esperluète, entretisse prose poétique de Violaine Lison et dessins épurés de Manon Gignoux pour une échappée réparatrice en forêt, entre douceur qui apaise et vivacité qui régénère.
Vous étiez ma maison se déploie comme le calme après la tempête. Une femme en fuite, pleine de rage, s’égare en forêt pour s’y reconstruire, y renaître. L’histoire d’une rencontre avec une couturière au savoir et à l’habileté de fée, et un lieu, cette petite maison perdue sous les frondaisons, qui respire les plantes médicinales, le feu dans la cheminée, le calme douillet du chez-soi.
Je me souviens. Ma fuite. La forêt. La maison. Votre main comme une cuiller de miel. Des mots. Des gestes, des onguents et votre regard souriant.
Vous étiez ma maison se structure sur deux temporalités entrelacées : ce qui fait suite à la disparition soudaine de la couturière, à qui le je s’adresse en vous , et ce qui vient avant : la rencontre, les retrouvailles régulières chaque lundi, les balades dans les bois et la passation du savoir.
La maison est vide, le jardin, en congé. La machine à coudre se tait.
Vous n’êtes pas là. Mais je vous entends. Votre voix. Votre feuillage. Vos pas de mousse dans l’escalier.
Partir, naître, engranger, transmettre, renaître ; Violaine Lison propose ici le récit d’une reconstruction en cinq actes. Un texte plein de pudeur, qui ne se raconte pas entièrement, mais se respecte, dans son intimité indicible. Bien qu’innomés, les drames et les traumas se perçoivent entre les lignes. Un parti pris qui pourra dérouter la compréhension ou, au contraire, ouvrir les possibles ; c’est selon la sensibilité de chacun/chacune.
Mon manteau noir m’attend sur un cintre. Réchauffé. Réparé. L’étoffe est parcourue de sentiers, de rivières. Cicatrices de coton vert et bleu. J’effleure le tissu. M’en enveloppe. Cataplasme.
Stylistiquement, le texte allie simplicité, richesse lexicale, détournement du langage et travail sur le rythme. Un long éco-poème qui redonne vie à la faune et à la flore, mais germine surtout un vous et un je lyrique, avant de permettre à l’une de s’en aller, et à l’autre d’éclore à l’aboutissement du récit. Les dessins de Manon Gignoux ponctuent pour leur part – interludes noir et blanc – les différents moments de prose poétique. Un trait minimaliste, mais qui esquisse sensiblement des habits et des corps, des âmes qui semblent se rapiécer.
Je m’avance. Je suis prête. Je sens la main de la forêt sur mon épaule. Une main ouverte de sage-femme. Une main-mère. Qui m’enveloppe, me soulève et m’avale. Dans un gargouillement de sève.
Je suis dans la sylve, son ventre douillet. Sous sa voûte utérine. Vous êtes à mes côtés.
Vous étiez ma maison est une échappée : partir pour mieux renaître. Une allégorie textile et forestière, le récit universel de la déchirure des âmes qui nécessitent calme et repos, chaleur et douceur pour être raccommodées. Une poésie à la fois délicate et sauvage, qui transporte sur des sentiers heurtés, apaise au coin de l’âtre et sous les feuillages, et souffle un vent de résilience.