critique &
création culturelle
Une foire aux boudins
drôle et élégante

« Prends les insultes qu’on te jette et fabrique-toi des chapeaux avec ! »

« Prends les insultes qu’on te jette et fabrique-toi des chapeaux avec ! »

Pour la troisième année consécutive, Mireille Laplanche devait être élue boudin d’or du lycée Marie-Darrieussecq de Bourg-en-Bresse, titre honorifique récompensant l’élève à la plus grosse paire de fesses gélatineuses, au triple menton et au visage le plus acnéique.  « Devait »… car, cette année, la voici reléguée à la troisième position : le titre suprême étant remporté par Astrid Blomvall (qui « louche tellement qu’une seule moitié de sa pupille gauche est visible, le reste se cache en permanence dans la paupière ») tandis que la médaille d’argent est empochée par Hakima Idriss, grâce à une magnifique moustache noire et un triple menton ne laissant aucune chance aux éventuelles concurrentes.

Clémentine Beauvais

Plutôt que de se morfondre sous la couette, elle décide prendre les deux autres boudins sous son aile et de s’offrir avec elles une escapade en vélo dont la destination n’est autre que la capitale française, le jour de la fête nationale. Non pas pour se venger, non, mais pour 1°) rencontrer Klaus 2°) assister au concert qu’Indochine donnera à l’Élysée 3°) crier haut et fort la vérité à propos du général Sassin que la présidente s’apprête à décorer.

Ce périple créera à leur grand étonnement un engouement inattendu parmi les blogueurs et les utilisateurs de réseaux sociaux, suscitant à la fois une source intarissable de commentaires désobligeants et inutiles, mais aussi d’encouragements et de solidarité.

« L’aventure de ces toutes jeunes filles semble intéresser les internautes, qui de groupe Facebook en compte Twitter s’interrogent sur ce convoi exceptionnel », nous apprend Libération . Pourquoi ? Selon Métro , parce que « Le road trip de ces adolescentes qui ne ressemblent pas aux stars de la télé est une belle revanche sur l’ingratitude de l’adolescence ». Le Figaro va plus loin : « Dans une époque où le harcèlement à l’école et le culte de la beauté physique ont supplanté entraide et aspiration intellectuelle, les Trois Boudins autoproclamés risquent de faire forte impression. » Comment parler du dernier livre de Clémentine Beauvais alors que celle-ci a déjà relevé elle-même un certain nombre de clichés, les plaçant sous l’égide de célèbres titres de presse ? Comment aborder un tel ouvrage qui, s’il pouvait permettre à certains de prendre du recul par rapport à ce culte de l’apparence, pourrait aussi donner des idées pas toujours bienveillantes à d’autres ?

1°) Boudin d’or : en vous conseillant de lire cet ouvrage pour son écriture dynamique et moderne, qui suit le flux de la pensée des personnages tout en y intégrant des extraits de pages internet et qui devrait plaire aux jeunes adolescents.

2) Boudin d’argent : en vous conseillant de lire ce livre pour son aptitude imparable à l’humour et l’ironie.

3°) Boudin de bronze : en vous conseillant de lire ce livre pour la pléthore de personnages décalés que vous y rencontrerez et qui ne vous laisseront pas indifférents (nous en mettons notre boudin à couper): les Gadz’Arts , c’est-à-dire des gars des Arts, des étudiants d’une prestigieuse école d’ingénieurs, Adrienne, la vieille gardienne solitaire d’un château déserté ou encore Hélène Veyrat, la journaliste-requin du Progrès .

Même rédacteur·ice :

Les petites reines

Écrit par Clémentine Beauvais
Roman
Sarbacane , 2015, 270 pages

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