Non ! Cette référence ne peut côtoyer un ouvrage tel que

Comme des images

, car ne vous fiez pas aux apparences, sous une couverture aguichante se cache un récit digne de la plus grande attention qui plonge son lecteur dans le centre névralgique de la vie adolescente : le lycée. Cet endroit où se remportent les premières victoires et où sourdent les premières désillusions.

L’institution Henri IV fait partie de ces établissements élitistes qui interrogent leurs élèves dès la rentrée sur la profession des parents afin de déterminer si le rejeton sera « puissant ou misérable » et les préparent à intégrer HEC, ENA ou ENS. S’y côtoient la jeunesse dorée parisienne et quelques intrus rusés. Ses couloirs ancestraux ont été parcourus par les plus grands esprits de Sartre à… Patrick Bruel (l’un dont se vante davantage la direction, mais je vous laisse deviner lequel), et sous l’une de ces tours gît Descartes répandant ainsi infiniment ses ondes de Raison et de Lumière sur les esprits encore malléables de ses jeunes élèves. Mais une fois estompée la magie des lieux, le lycée « Hache-Quatre » redevient un quelconque théâtre.

En franchissent les portes chaque jour de futurs polytechniciens, chirurgiens, astrophysiciens ou agrégés de mathématiques, Thimothée, Aurélien, Annabelle ainsi que Léopoldine et Iseult. Sur photo, celles-ci sont de parfaites jumelles monozygotes, mais incarnées, la seconde semble n’être qu’une « pâle copie, un brouillon, une souriante doublure » de sa charismatique sœur. Si Léopoldine subjugue quiconque porte les yeux sur sa personne, elle se révèle rapidement victime de l’obsession quasi généralisée de la réussite, soucieuse de plaire à tous et ne souhaitant faire de mal à personne. Iseult quant à elle façonne sa personnalité à travers l’art sans se soucier du regard des autres. Elle n’hésite pas à peindre ses amies nues déjeunant sur l’herbe sous le regard médusé des passants.

Mais au cours du deuxième trimestre, alors que la tension est à son comble (en classe, chaque contrôle est expressément rendu de la meilleure note à la plus faible, et le passage en première S est présenté comme la quête du Graal), un drame vient bousculer leur vie…

Quand tout cela a-t-il commencé ? Le jour où Iseult a été reléguée au second plan par sa meilleure amie ? Le jour où Léopoldine a rompu avec Thimothée pour Aurélien ? Le jour où M. Daguerre, professeur d’anglais, a commencé à penser de ses élèves qu’ils n’étaient qu’ « une bande de bonobos bobos à culs rouges et sacs Hermès […] une bande de jouisseurs et d’ignares […] des gosses de riches puants et gâtés » ? Ou bien le jour où tout ce beau monde a reçu délibérément un mail compromettant pour l’une de ces célébrités ?

Dès les premières lignes, Comme des images nous séduit. Clémentine Beauvais manie l’humour et maîtrise parfaitement l’art du suspense. Elle allie récit traditionnel et pages web et se saisit de son lecteur dès le premier (très court !) chapitre : « Il y a un corps dans la cour du lycée Henri IV. » Quelques pages plus tard, la tension continue : « C’est ce qu’on appelle de l’ironie tragique. On ne savait pas à ce moment-là, qu’il y aurait quelqu’un d’autre dans cette histoire qui serait véritablement cassé, cassé comme ces petits oiseaux qui volent tout droit dans les fenêtres. À ce moment-là, on ne voyait pas la vitre ; juste le monde entier au-delà par transparence. »

Cette phrase nous hante tout au long du roman, car ce n’est qu’une fois posé le point final que le lecteur peut reprendre son souffle. Au fil des deux cents pages, il regarde évoluer les personnages, les voit épris d’une liberté qui s’offrira à certains et se refusera inévitablement à d’autres, ceux qui en se penchant part la fenêtre pour observer le monde finiront par se fracasser au sol comme un oiseau sans aile.