critique &
création culturelle
    C’était 2018 (1)

    2018 en une série de coups de cœur ? C’est la rétrospective culturelle par la rédaction de Karoo ! Les perles musicales d’Élise Dutrieux ouvrent le bal.

    PLAYLIST 2018 :

    KATE NV

    Для , 2018, RVNG Intl

    D’abord investie au sein du groupe post punk garage Glintshake ou encore du collectif Moscow Scratch Orchestra, ce dernier dessinant déjà par ailleurs son approche expérimentale, la russe Katya Shilonosova approche le devant de la scène en solitaire avec un premier EP, Pink Jungle , (Apr Music) en 2013. Sa participation à la Red Bull Music Academy en 2014 lui permet de déployer ses ailes avec le LP (très pop) Binasu en 2016 (Orange Milk / Mind records) et Для , sorti cette année chez RVNG Intl.

    Для est un album organique marqué par le contraste entre les jeux de percussions subtils et les sonorités électroniques, traités avec finesse et malice. Un album coloré et rond qui se savoure comme se dévore, baigné par une légèreté bien pensée dont on avait besoin en 2018.

    SMERZ

    Have Fun , 2018, XL Recordings

    Mené par Henriette Motzfeldt et Catharina Stoltenberg, norvégiennes d’origine et désormais Copenhaguoise, le duo Smerz émerge dès 2016 avec un premier EP sept titres, Okey , qui marquera déjà la scène internationale. L’EP Have Fun (2018) en compte un de plus et confirme cette ascension bien méritée, marquant également l’indépendance de ces deux artistes de leurs influences musicales tout en affirmant un style plus sombre, plus décousu et moins lisse.

    Expérimental, Have Fun n’en perd pas pour autant sa couleur pop, tant dans l’utilisation des voix, volontairement troublées, empruntant avec originalité et nuance au répertoire r’n’b. Un album à la narration provocatrice, se jouant constamment des codes et des attentes imposées.

    SUZANNE CIANI

    Live Quadriphonic , 2018, Atmospheric / CyKiK

    Suzanne Ciani fait partie de ces « pionnières » de la musique électronique, ces « rares » femmes à avoir fait leur place dans ce monde d’hommes. On ne sait pas réellement si elles étaient si peu nombreuses ou si elles sont quelques-unes courageuses à avoir eu la détermination de continuer, il n’empêche que la compositrice possède une trentaine de sorties à son actif depuis les années septante, chacune d’elles reflétant son époque. Avec la sortie de Live Quadriphonic , en 2018, l’artiste souligne son approche et sa finesse technique dans un album marquant et expérimental.

    Live Quadriphonic est contemporain mais vintage à la fois, dans son aspect exploratoire de l’outil analogique, sa couleur rythmique presque industrielle mais surtout par son installation technique. Si le son quadriphonique a été abandonné avant les années 1980 pour des raisons d’équipement difficile à commercialiser, de nombreux groupes de cette époque ont utilisé cette technologie, Pink Floyd notamment. Ciani la réhabilite ici dans un album live de trente minutes qui peut s’appréhender avec (pour les puristes ou les curieux) ou sans elle. Sous forme de pattern, davantage que sous forme de morceaux, ce live est une vraie source d’inspiration et déploie une énergie puissante et physique.

    TIERRA WHACK

    Whack World , 2018, sans label.

    Originaire de Philadelphie, Tierra Whack n’a que 22 ans et dénote déjà dans le monde du Hip-Hop. « Fantasque », « surréaliste », « absurde », ce sont les mots qui ressortent le plus pour décrire l’ovni Whack World , un premier album de quinze titres pour une durée de seulement quinze minutes. Derrière l’apparente innocence esthétique de cet univers musical et visuel, l’album surprend pourtant par son réalisme, traitant de sujets quotidiens qui détonent dans le monde hip-hop actuel, même si l’héritage Odd Future se fait ressentir. Avec des textes parfois teintés d’amertume mais traités avec humour et optimisme, Tierra Whack apporte subtilité et finesse d’esprit, se déjoue des codes tout en les appliquant consciencieusement pour mieux les subtiliser.

    Whack World épate et surprend, insuffle un vent de liberté réfléchi et construit dans un monde bien organisé. Un album qui incarne notre contemporanéité tout en ouvrant de nouvelles perspectives. Tierra Whack est l’artiste qu’il nous fallait en 2018. On observe et on attend la suite avec impatience.

    AISHA DEVI

    DNA Feelings , 2018, Houndstooth

    Après les excellents Aura 4 Everyone (2013) et Of Matter and Spirit (2015), c’est avec réjouissance que l’on attendait le retour de Aisha Devi. Pas qu’il ait fallu du temps, la Suissesse s’investit au sein de nombreux projets : fondatrice du label Danse noire, qui porte de nombreux projets tous très riches, elle a également participé au projet Decon/Recon #2 : Noise Manifesto aux côtés de SØS Gunver Ryberg, Rrose et Paula Temple l’année dernière. Avec ce nouveau LP , elle redouble de noirceur et de mystère tout en s’incarnant pleinement dans son temps.

    Le très envoûtant DNA Feelings porte bien son nom : c’est à l’intérieur du corps qu’il se déploie, remuant et obsédant. Il invite au voyage mystique et orientalisant, guidé par ces voix artificielles et émouvantes, marquant définitivement l’identité de l’artiste, active et contemplative, dérangeante et omniprésente.

    SARAH DAVACHI

    Gave in Rest 1 , 2018, Ba Da Bing

    Let Night Come on Bells End The Day , 2018, Recital

    La Canadienne Sarah Davachi nous aura gâté en 2018 avec la sortie de 2 EP. Derrière ces présences fantomatiques et la lumière qui s’en dégage, un univers d’apparence glacé mais pourtant incandescent, elle nous démontre (une fois de plus) la justesse de sa sensibilité.

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