critique &
création culturelle
Metaldays
Visite guidée du festival

Je vais vous conter mon séjour au cœur de la Slovénie, dans une vallée isolée, j’ai nommé : Tolmin. À la découverte d’un festival unique en son genre : les Metaldays ! Ambiance condensée des six jours du festival.

Lundi , notre arrivée est marquée par une longue marche sous un soleil de plomb (qui perdurera tout le séjour). Le camping est immense et espacé, mais ne contient que deux malheureux arbres. On comprend mieux pourquoi les bois alentours sont colonisés par les tentes !

Voyageant avec ma meilleure amie, on décide de chercher le camping réservés aux filles. Mais on se rend compte, au bout de quatre demandes de renseignements aux gardes, que ceux-ci ignorent où ce dernier se trouve. Ce camping est-il inexistant ? Fatiguées, et accablées par ces 35°C, nous nous résignons à planter notre tente à un endroit au hasard.

À 20h, nous entendons While She Sleeps depuis la rivière Soca, longeant tout le festival.

23 heures, Arch Enemy retentit. Fan nostalgique de la période où Angela Gossow assurait le chant, le show me laisse une impression d’inachevé. Pas de grande présence scénique, pas de grande interaction. Et dans les yeux des musiciens, nulle trace de plaisir ou d’amusement. Michael Amott surtout, à l’air usé, éteint… tenant péniblement sa guitare.

À cela s’ajoutent de nombreuses imprécisions rythmiques. Un peu plus tôt dans la journée, le groupe annulait sa séance de dédicaces à la dernière minute, sans une seule explication.

Le lendemain , je suis réveillée par une chaleur écrasante qui s’immisce doucement dans ma tente, dont j’ai décidé d’orienter l’entrée vers le nord. Je plains sincèrement les personnes vêtues intégralement de noir… Tirée du lit (ou plutôt du matelas gonflable) à 7h30, je décide d’aller goûter aux joies de la baignade dans l’eau limpide de la Soca.

Les abords de la rivière font chuter la température. Passer de 36°C à 16°C nous fait le plus grand bien. L’eau des deux rivières avoisinantes ne dépassent pas les 10°C. Un peu de courage, et hop, nous voici au milieu de licornes gonflables.

Milieu d’après-midi, je décide d’assister au concert des compatriotes de Reject the Sickness. Ne connaissant pas du tout la musique du groupe formé en 2010, je m’approche de la scène, un peu hésitante. Mes oreilles repartent plus que satisfaites, nourries d’un son lourd et mélodique aux accents thrash. La voix de Guy Vercruysse me rappelle beaucoup celle de Jean-Philippe Sonnet, chanteur d’Exuviated (encore des Belges).

Sur la mainstage, la frontwoman d’Infected Rain nous attire instantanément. Le groupe propose un metalcore sans concession et revendicatif.

Suivra à 20 heures le très attendu concert de Rise Of The Northstar. Immédiatement, une violence brutale s’installe tant sur scène que dans le public. Les Français ont réussi à créer une musique à nul autre pareil, avec des codes propres. Et cette originalité se ressent aussi dans le show, prenant.

Peu après, sans savoir à quoi m’attendre, je me rends au concert d’Architects. Je ne connais pas leur musique, mais tout le monde me conseille d’aller les voir. Je m’exécute donc sagement. Après 1h20, le bilan est clair : même si leur musique ne m’a pas attirée, leur show était haut en couleurs à tout point de vue. Bémol : le chanteur peu charismatique donne l’impression qu’il va cracher un poumon à chaque note. Amatrice de growl, je me demande pourquoi le groupe n’a pas davantage recours au chant clair, qui ajouterait quelque chose à un style déjà très mélodique mais assez indéfinissable, associant metalcore, post-hardcore et deathcore. Au vu du jeu de lumières impressionnant, pour assister à un concert des Anglais, mieux vaut ne pas être épileptique. Lors de leur concert, c’est tout mon corps qui est pris par les basses et la technicité du batteur.

Jour 3. Le réveil est rude. Prise d’un mal de nuque terrible, je décide d’aller explorer la zone des massages, et découvre avec effroi le prix de l’activité : 15€ les dix minutes, 40€ les trente…

Je décide de me contenter de repos au soleil. Évidemment, comme 99% des personnes présentes ici, je repartirai avec des coups de soleil. L’après-midi passe à une vitesse phénoménale.

Les Metaldays pourraient se résumer dans le terme « vacances metal », alliant nature et musique dans un cadre magnifique. Entendre un groupe alors que tu nages dans une eau d’un bleu limpide est plutôt agréable.

En me plaçant sur l’immense talus bordant la mainstage, j’assiste au concert de Rotting Christ dans une autre perspective. Une énergie indescriptible se dégage sur la plaine, dans ce qui se rapproche d’une messe noire. Malgré cet aspect sombre, le chanteur interagit beaucoup avec le public au cours d’un show complet intégrant des effets pyrotechniques. Je n’en attendais pas beaucoup, et je repars en direction de ma tente en ayant pris une claque ! Si, comme certains le pensent, le metal est la musique du diable ; alors Rotting Christ est le diable en personne !

Trente minutes plus tard, je reprends la même place. Enchaîner après une telle ambiance sur un groupe comme Dream Theater peut sembler risqué, voir étrange.

Déjà présents en 2015, les cinq musiciens reviennent en force au cœur de la vallée de Tolmin. Le show débute, et devient immédiatement époustouflant, avec des musiciens qui s’amusent visiblement. Le batteur, Mike Mangini, fait sonner et « groover » sa batterie, pilier à part entière d’une musique technique et recherchée. Il convaincra même les plus fervents adeptes de l’ancien batteur, Mike Portnoy.

Dans ce concert, rien de lassant, chaque morceau étant radicalement différent du précédent. Aucun musicien n’est occulté ou mis sur un piédestal.

Quand les premières notes d’Illumination Theory retentissent, mon ventre se soulève, et l’émotion me submerge. Une fine pluie tombe sur des milliers de mains levées, se balançant de gauche à droite, et quelques gouttes, que je le veuille ou non, ruissellent sur mon visage.

On reproche souvent à Dream Theater d’avoir pris la grosse tête. Cela ne se voit pas sur scène. J’ajouterais que quand on a atteint un tel niveau d’osmose entre musiciens et de perfection technique, un peu de prétention est pardonnable.

Jour 4. Aujourd’hui, je suis bien décidée à découvrir de nouveaux groupes. Je m’installe donc confortablement devant la « new forces stage ».

L’après-midi commence avec les Français de Lurking, qui produisent un death metal mélodique puissant et précis. Le groupe plus que prometteur était venu défendre leur premier album, Betrayed. Le groupe inspiré de Lovecraft est parvenu à attirer un certain public.

Suivent les slovènes de Captain Morgan’s Revenge, proposant un hard rock mélodique et lourd à l’influence punk très nette. Un concert sans prétention mais convaincant, donc.

Je me déplace vers la mainstage pour assister au concert de Bloodshot Dawn, et n’y trouve rien d’exceptionnel. Au bout de 30 minutes pénibles, le groupe laisse l’impression de jouer une musique trop technique pour eux. Même si la deuxième partie du set est un peu plus énergique et mélodique, et que le groupe possède un excellent guitariste soliste, Bloodshot Dawn est un groupe de death comme il en existe des milliers. Un peu plus tard, lorsque je me déplacerai sur la deuxième scène, située au milieu des bois, j’assisterai à un death metal beaucoup plus maîtrisé de la part de Skeletal Remains.

Les Anglais de Liquid Graveyard, qui suivent Skeletal Remains sur cette même scène, sont bien au point, offrant un death metal progressif carré et mesuré, aux influences grindcore. On voit tout de suite qu’ils savent ce qu’ils font, sans en faire trop.

Sur la New Forces stage, Swarm of Serpents me transcende avec un black metal maîtrisé, précis et puissant. Je les reverrais avec plaisir.

Arrive le concert tant attendu du mythique Gaahl, avec sa formation, terme qui prend tout son sens, puisque Ghaal se met énormément en avant, laissant ses musiciens (bons par ailleurs) de côté. Ghaals Wyrd offrira finalement un show monolithique, froid, tant au niveau de la musique que de l’interaction avec le public. Une chose effleure mon esprit : le silence quasi-religieux dont fait preuve le public. Comme si cette grande figure du black metal n’avait désormais plus rien à prouver, plus rien à faire, sinon à être écoutée sagement. Je ne suis pas de cet avis : un groupe, un artiste, pour mériter son public, doit chercher à se renouveler, lui prouver qu’il sait qu’il est là et qu’il est reconnaissant de sa présence. En ce 26 juillet 2019, Ghaal semblait fatigué, usé, désabusé. Peut-être en attendais-je trop en me rendant dans les bois ce soir-là.

Je pensais que voir du black metal dans ce cadre allait ajouter une certaine plus-value. Non seulement il n’en a rien été, mais en plus, les effets lumineux, qui auraient pu (et dû) amener un cadre sombre et intimiste, se sont transformés en effets dignes d’un concert techno, à grands coups de stroboscopes. Mes yeux et ma tête épuisés, je ne verrai pas la fin de ce concert que j’attendais tant…

Légèrement fatiguée par la courte nuit que je viens d’affronter , je décide malgré tout de me traîner jusqu’à la mainstage, en me disant que le groupe de black metal symphonique qui allait commencer méritait qu’on lui donne sa chance. Je m’assieds assez loin de la scène, quand soudain les premières notes de Winterhorde retentissent. Immédiatement prise aux tripes par l’énergie et le son complexe du groupe, je m’avance. Malgré la trentaine de personnes présentes autour de moi, l’ambiance est au rendez-vous. Le public afflue petit à petit, attiré par le son mélodieux enrichi d’un violon et d’un clavier. Les deux types de voix (claire et growl) rajoutent encore une épaisseur à un son déjà bien riche. Tous les musiciens ont une bonne présence scénique. Je ne vois pas passer la demi-heure. Winterhorde n’est pour moi ni plus ni moins que la révélation de cette édition !

En chemin vers la plage, je descends vers la plus petite scène et tombe sur Desdemonia, groupe luxembourgeois de death metal. Avec une musique sans chichis et aux bons riffs, le groupe me semble prometteur !

Korpiklaani ouvre la soirée sur la mainstage. Fidèles à eux-mêmes, ils offrent un folk metal amusant mais basique, accessible. L’orage se rapproche et, en plein milieu du concert, c’est le black-out. Le public hurle et réclame le groupe. Le set se termine de manière expéditive.

Dimmu Borgir suit avec vingt minutes de retard. Je dois bien avouer ne pas m’être rendue sur la plaine de la mainstage pour y assister, ayant été fortement déçue de leur concert à l’Ancienne Belgique en décembre 2018. Nostalgique de ce que je pourrais appeler le « vieux Dimmu Borgir », c’est-à-dire jusqu’à l’album Abrahadabra (2010), je craignais d’être de nouveau déçue.

Ça y est, le jour du départ a sonné. La pluie se fait de plus en plus forte, comme pour forcer les festivaliers à rentrer chez eux. Mon seul regret est de ne pas avoir vu Alien Weaponry et In The Woods, qui ont tous deux obtenu d’excellents échos.

À propos de l’alternance des groupes sur les trois scènes, une chose m’interpelle, et me plaît : jamais ne se suivent deux concerts du même genre sur la même scène.

Si je devais faire un reproche à la programmation, je dirais que cette année était fortement axée sur le death metal. Avec Testament en tête d’affiche pour 2020, on peut raisonnablement penser que le festival s’apprête à prendre un virage thrash.

Ce festival est une expérience unique. Mais suite à un projet routier, 2019 était la dernière édition à Tolmin. Reste à espérer que le festival ne deviendra pas plus gros en se délocalisant, auquel cas il risquerait de perdre cet aspect intimiste et familial qui fait tout son charme.

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