Le nouveau film d’été de Mikhaël Hers 1 est sorti discrètement dans les salles belges. À l’image de sa délicate trame. Le troisième long métrage du réalisateur français dit la difficulté de surmonter une disparition dans la capitale française à l’ère de la menace terroriste. Une exploration tout en pudeur et douceur portée par des acteurs touchés par la grâce.
Amanda (Isaure Multrier) a sept ans et toutes ses dents, qu’elle aime à plonger dans les pâtisseries de la boulangerie en face de l’appartement de sa mère. Amanda a sept ans et une maman toute seule pour elle toute seule qui vit dans un petit appartement à Paris. Elle a aussi un oncle de vingt-quatre ans, très proche de sa mère et qu’elle voit régulièrement, lorsqu’il rend visite à Sandrine (Ophelia Kolb) ou la décharge un peu de sa maternité célibataire. À part une grande tante, c’est toute la famille qu’elle a à Paris. Alors quand sa mère meurt soudainement dans un attentat, il n’y a que le jeune David (Vincent Lacoste) pour s’occuper d’elle. Sauf que son oncle doit à la fois guérir la déchirure d’avoir perdu sa sœur et gérer une petite fille en pleurs.
David en ressort sonné, paumé, mais forcé de faire bonne figure devant cette gamine dont il hérite alors qu’il n’est pas prêt à assumer cette paternité accidentelle , comme aime à dire le réalisateur, Mikhaël Hers. Lui qui jongle entre les petits boulots, une romance naissante mais compliquée, des amis effondrés et une errance citadine qui va comme un gant à la douce nonchalance de Vincent Lacoste, doit désormais endosser un costume trop grand pour lui et apprivoiser un quotidien dans lequel il ne se projetait pas.
Mikaël Hers prodigue à ces instants anodins du quotidien une attention infinie, qui mâtine son film d’un réalisme alangui. Le film invite à partager une tranche de vie de quelques semaines, une valse hésitation entre Paris et Londres, entre maturité obligée et enfance volée, entre absents et présents, entre construction et reconstruction. Le réalisateur prend plaisir à confronter la clarté de l’été, la caresse du soleil, aux traces de la mort.
Amanda parle du deuil avec une simplicité, une pureté déconcertantes. La lumière dans laquelle le réalisateur fait baigner Paris et ses personnages enveloppe le récit d’une douceur de vie qui panse élégamment la douleur de la disparition.
Le troisième long métrage de Mikhaël Hers est une petite pépite de tendresse, une pelote triste qui se défait puis se refait, s’attache aux humeurs et aux sentiments de ses personnages tout en les laissant évoluer librement. La caméra les filme, les file. Quitte l’épaule du cycliste léger, pour traîner sur une allée verte ensoleillée dans un ralentissement émouvant de poésie, retenant la beauté heureuse quelques secondes avant que le drame ne se noue dans un silence assourdissant. Là aussi, tout en délicatesse, en sobriété. Un parc. Des gens pétrifiés. Du sang. Mais pas de vacarme. Pas de bruits de fusils que les meurtriers ont pourtant bien dû utiliser pour faire un tel carnage ce soir d’été où la vie de David bascule. Arrivé en retard à un pique-nique boisé entre amis, il foule les restes d’un attentat auquel il vient d’échapper mais qui lui a pris sa sœur.
Le duo formé par Vincent Lacoste et Isaure Multrier donne au film une assise joliment hésitante, entre un comédien autodidacte entrant pour une fois de plain-pied dans un drame intimiste, et peu familier des enfants de l’âge d’Amanda et une fillette qui assure avec une maturité certaine sa première apparition à l’écran.
Chronique d’une douleur baignée de lumière, à laquelle la pellicule (le film est tourné en Super 16), chérie par le réalisateur, donne toute son amplitude, Amanda appréhende joliment le travail du deuil par une petite fille et par un grand garçon, dans un Paris un peu ralenti, mais qui ne s’éteint pas. Sans trop montrer. Sans déflorer. En laissant le spectateur pressentir les tourments qui agitent les protagonistes, tout en les confrontant à la gestion très terre à terre de la perte d’un proche, des conséquences directes pour l’entourage, du train-train quotidien qui continue malgré tout. La violence premier degré reste hors-champ. La violence intérieure sourde un peu plus, mais toujours en finesse.