Bota(chro)nique
Fréquences magnétiques
Ce 2 mai, Mount Kimbie faisait escale aux Halles de Schaerbeek pour un des concerts les plus courus des Nuits Bota. Le duo électronique londonien a présenté son nouvel opus The Sunset Violent, face à un public impatient. Retour sur les temps forts d’une soirée électrisante et pointue.
Bravant une pluie torrentielle en ce début mai, je me réjouis de passer la soirée à l’abri des intempéries printanières. Nul doute que l'affiche proposée me fera vite oublier la fatigue et le bruit de mes chaussures qui couinent.
Entrées en matières
L'ouverture est confiée à Lauren Auder, artiste franco-britannique aux influences grunge. En 2018, elle sort Who Carry’s You, un premier EP de pop baroque prometteur. Après plusieurs projets musicaux et une tournée avec Christine and the Queens, elle revient avec The Infinite Spine, son premier album. Coincée dans une file interminable pour un maté bien trop coûteux qui aura raison de mes efforts de ponctualité, je ne verrai que la moitié de la performance. Coup de chance, ce set-apéritif parvient à me convaincre en quelques morceaux. Intensité sur fond de basse, il ne m’en fallait pas plus. Note à moi-même : à revoir en entier dans une salle plus intime.
John Glacier, seconde performance, me laisse en revanche plus perplexe. Originaire de Hackney, la rappeuse se fait remarquer en 2021 avec SHILOH: Lost for Words, une première mixtape acclamée, toute en rap conscient sur productions lo-fi. En février, elle livre Like A Ribbon, EP audacieux, gorgé de nouvelles influences, mixant synthés trance, dancehall ou encore beat rétros. Un style bien à elle qu’elle cultive et partage volontiers dans des collaborations avec des figures importantes telles que Babyfather, Vegyn et LYAM. Voguant d’un paysage musical à l’autre, elle propose une musique de qualité, entre catharsis et mystère. Étonnamment, sur scène, ça marche moins : elle paraît particulièrement timide, essayant de se cacher derrière ses chansons sur la grande scène. Préférant tirer sur sa vape à quelques reprises plutôt que de faire participer le public, on ne s'étonnera pas que l'ambiance ait été plutôt morose. Dommage, car avec son phrasé nonchalant, des textes poétiques, mi-drôles, mi-profonds, la proposition avait tout pour être efficace.
Mount Kimbie
21h30, la salle ne tient plus en place, les Celsius eux aussi s'affolent. Quand les lumières des Halles annoncent l’arrivée du main event, car c’est bien pour fêter le retour de Mount Kimbie que la majorité des gens s’est déplacée, c’est la délivrance. Dominic Maker et Kai Campos, têtes de gondole et duo originel, accompagnés des maintenant membres officiels Andrea Balency-Béarn au chant et clavier, et Marc Pell à la batterie, aidés pour la tournée d'une cinquième membre à la basse et aux chœurs, entrent en scène sous une vague d’applaudissements. Les premières notes de « Four Years and One Day » retentissent enfin, rendant ce qui jusqu’ici était un rêve, réalité. Sur scène, foule d'instruments, boucles électroniques et superpositions de voix composent le tableau de Mount Kimbie.
Au début, je regrette un mixage sonore terne qui ne rend pas justice aux compositions du groupe. À partir de « You Look Certain (I'm Not Sure) », les choses semblent se régler. L'air de guitare reconnaissable de Kai Campos est franc, ce qui contribue à créer une subtile montée en puissance. Même constat sur « Marilyn », qui grâce aux couches supplémentaires que le quintette crée sur scène, est beaucoup plus punchy et incisive.
Sans entrer dans une rétrospective, Mount Kimbie a opté pour un mélange savamment équilibré d’anciens morceaux des débuts tels que « Before I Move Off » ou l’instrumental « SP12 Beat », avant de se concentrer sur ses dernières créations. Le nouvel album semble diviser, avec une partie du public déjà cliente et une autre pas tout à fait habituée à ce nouveau visage du groupe. Je me situe entre les deux, tantôt perdue par la complexité musicale, tantôt conquise par la proposition. Andrea Balency-Béarn, drapée au milieu de la scène tout au long de la prestation, ne fait elle aucun doute. Sa voix couplée à celle plus grave de Dominic Maker s’équilibre parfaitement tout au long du show et amène un contraste réussi à ce concert parfois déroutant. En notes positives on retiendra aussi « Blue Train Lines » et « Empty And Silent » (sans King Krule hélas) où la magie de Mount Kimbie est palpable. Jolie fin électronique avec « Made to Stray », tirée de leur premier album Cold Spring Fault Less Youth. Accueillie à bras ouverts par tous·tes, Maker et Campos ont également absorbé la chanson une dernière fois, se laissant porter par l'enthousiasme de la salle.
En somme, Mount Kimbie signe un retour honnête. Marqué par quelques soucis d’acoustique, le groupe a parfois peiné à trouver l’équilibre entre les morceaux axés sur la guitare et les joyaux électroniques. Ce set généreux et truffé d’expérimentations n’en reste pas moins intéressant, que l’on soit fan de la première heure ou pas.