Entretien avec
Pour fêter la sortie de leur LP éponyme, Piloot sera toute la semaine
Pour fêter la sortie de leur LP éponyme, Piloot sera toute la semaine
dans la galerie. Et comme d’habitude, un entretien l’accompagne !
On travaille tous les trois depuis longtemps dans le milieu de la musique et des arts. Actuellement, JP tourne avec Mark Lanegan, Florian travaille sur des projets visuels, Cyrille vient de gagner le Magritte de la meilleure musique de film.
La naissance du trio Piloot s’est faite très naturellement, sans aucune prétention initiale. On se connaît depuis des années. Ayant un peu de temps libre, on s’est retrouvés dans une cave pour jouer librement. L’idée était de revenir à l’essentiel : jouer et tenter de réagir ensemble à ce qui se passe. Notre première session a été décisive, on est sorti de là emballés en se disant « on remet ça demain. » Le trio était né !
« Piloot », en néerlandais, se traduit par « pilote » en français… Ça semble évident. Pourquoi ce nom, qui plus est en néerlandais?
Bien vu, la traduction ! (rire). Cyrille ayant un passeport hollandais et quasi argentin, Florian étant Français quasi Indien et JP flamand… Bref, on a arrêté de penser depuis le début en terme de « langue ». Pour l’histoire, en allant répéter, on est tombé par hasard sur une caisse de vieux livres abandonnés en rue, avec au-dessus une vieille BD néerlandaise, Piloot Storm . On trouvait « piloot » graphiquement très beau et on l’a adopté. A posteriori, comme on assimile notre approche musicale à un saut dans l’inconnu, la référence au pilote nous amuse. On s’imagine piloter ensemble notre rafiot dans les méandres de l’inconnu, à la recherche d’expériences sonores inexplorées.
Sur l’album, les morceaux sont-ils tous improvisés ? Comment se sont-ils construits ? Comment s’est passé l’enregistrement ?
Le disque est une sorte de snapshot d’un moment particulier, un lieu, un jour, une ambiance. Tout est inédit et ne sera plus jamais joué. On parle plus volontiers de « composition instantanée », plutôt que d’improvisation, une espèce de dadaïsme musical si on peut dire. Notre désir est de jouer une musique écrite dont le processus d’écriture se fait sur le moment. À chaque séance de jeu, on part d’une page blanche et une nouvelle histoire s’écrit. Plus on joue, plus on se connaît, plus c’est facile d’écrire ensemble.
On ne se met aucun frein créatif, par contre on travaille ensemble l’interaction et notre capacité à générer du contrepoint, ça facilite la prise de parole et l’écriture instantanée de l’histoire.
Vous avez enregistré votre LP aux Ateliers Claus. Pourquoi avoir choisi cet endroit?
On aime les Ateliers Claus, on y passe de longues nuits toute l’année. C’est un peu comme fêter Noël en famille ! Les morceaux du disque sont le fruit d’une demi-journée d’enregistrement. La majorité des morceaux sélectionnés ont été enregistrés dans la dernière heure.
C’est un disque foutraque, dingue, touffu. On y retrouve beaucoup d’influences, cinématographiques, rock, jazz… Et on passe d’une émotion à l’autre, de la folie à la stabilité, de la colère à la sérénité… Êtes-vous d’accord avec ça ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Niveau sources d’inspiration, pour chacun de nous, ce sont les deux autres musiciens. On se place en cercle, les uns face aux autres, ça facilite la communication et l’élaboration d’un dialogue à trois, un « trilogue », où l’on propose et l’on réagit en même temps. Dans cet esprit, les références de chacun peuvent jaillir à tout moment. On laisse grandes ouvertes les portes à toutes nos influences, récentes ou anciennes et, vu nos parcours respectifs, on brasse large !
Qu’est-ce qui vous touche et vous éclate dans l’exécution de ce genre de répertoire?
La perte de contrôle sur son propre devenir, nourrie par la douce conviction que la chute libre, à trois, sera grandiose et salvatrice.
Pourquoi n’avoir pressé que très peu d’exemplaires de votre disque ?
Joker !
On a autoproduit le disque, donc on a cherché un équilibre entre le coût et l’exclusivité du tirage. Résultat du calcul : trois cents vinyles et cinquante cassettes. On fera un second pressage ultérieurement si la demande est trop importante.
Vous avez travaillé avec Chloé Schuiten pour le design de votre disque. Qu’aimez-vous dans son travail ?
Elle est sauvage et raffinée. Elle fonce droit devant, dans le lard, se glisse sous nos peaux et ressort avec un ADN commun, d’une précision implacable.
On l’a rencontrée à plusieurs reprises lors de performances dantesques. La première fois, elle dessinait au gré du moment sur les bras du public présent. On s’est très vite bien entendus. Ça l’a amusée de venir avec nous et de se mettre sur scène pour dessiner chaque pochette de nos cassettes. Pour le vinyle, on a réussi finalement à choisir deux dessins parmi le travail qu’elle nous a proposé. On voulait tout prendre, on était comme des enfants devant ses dessins.