Plus que jamais les fakes news influencent notre société. En pullulant sur le web, elles peuvent avoir de lourdes conséquences : désinformation, incitation à la haine, manifestations radicales, abus de pouvoir, etc. Pourtant, le faux n’est pas un phénomène nouveau, il existe depuis bien longtemps. L’exposition Fake for Real , qui se déroule à la Maison de l’Histoire Européenne, propose de suivre les traces de la falsification, de ses origines à de nos jours.
Un dimanche automnal ensoleillé. Le parc Jourdan est calme. Quelques enfants courent çà et là. Des personnes se promènent en famille, d’autres sortent leur chien. Le bâtiment blanc éclatant de la Maison de l’Histoire Européenne rayonne et contraste avec le vert mordoré de l’herbe. Depuis octobre 2020, l’endroit accueille l’exposition temporaire Fake for Real qui prendra fin en janvier 2022.
Celle-ci retrace l’histoire du faux et de la falsification de ses prémices à de nos jours. Elle présente une série de falsifications en tout genre qui ont eu lieu dans l’Histoire et les recontextualise. Elle s’attarde sur leurs origines, les intérêts qu’elles ont suscités et les conséquences qu’elles ont engendrées, suivie de la découverte au grand jour de leur supercherie et de leur caractère faussé. Un musée plus que jamais d’actualité dans le contexte actuel des fakes news et de la surinformation.
Le faux : de l’Antiquité à aujourd’hui
La tromperie est loin d’être un phénomène nouveau… Elle débute, selon le musée, dès l’Antiquité avec les faux manuscrits et autres textes légaux visant à assouvir l’autorité des plus forts, et notamment de l’Église. Tout au long du Moyen-Âge et des Temps Modernes la falsification se prête volontiers au jeu de la déformation manuscrite : on se plait à inventer des histoires, à créer des récits de fiction, à caricaturer des individus en vue de servir ses propres intérêts. Difficile de battre en brèche des mythes, des croyances et des récits fallacieux qui ont pour seule source l’inspiration débordante de leurs géniteurs.
L’époque contemporaine voit le faux irriguer d’autres domaines comme celui de la science, de la guerre et de la peinture. En cheminant dans le musée, on découvre notamment que les scientifiques, eux aussi, déformaient la réalité selon leur profit et falsifiaient les résultats. Charles Dawson, par exemple, a effrontément mis en avant sa théorie paléontologique relative à « l’homme de Piltdown » (selon laquelle cet homme serait l’un de nos ancêtres) qui ne sera réfutée que 40 ans après son annonce. Et les conséquences ont continué à être désastreuses même après la réfutation de cette théorie : « Jusqu'aux années 80, alors même que la supercherie a été démasquée, la théorie des présapiens va continuer de prospérer jusqu'à entacher l'interprétation de découvertes majeures » , explique le paléontologue Herbet Thomas aux Echos.
Autre exemple notoire de falsification : les toiles presque « vraies » de Han van Meegeren, peintre néerlandais, restaurateur d’art et, surtout, le plus grand faussaire de l’Histoire. Actif lors de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci était maître dans l’art de reproduire à l’identique des tableaux de l’âge d’or néerlandais, comme ceux de Vermeer, de telle sorte qu’il a trompé tout le monde, experts et collectionneurs nazis confondus.
Ainsi, Hermann Göring, l’un des bras droits d’Hitler et dirigeant du gouvernement du Troisième Reich, a payé 1,65 million de florins le tableau « Le Christ et la femme adultère », convaincu qu’il achetait une œuvre de Vermeer. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que Han van Meegeren dévoilera sa mystification afin de ne pas passer pour un collaborateur. Il devient alors une sorte de héros national : il est celui qui a trompé Göring. Comme quoi, le faux peut avoir du bon…
Le faux : lutter et sensibiliser
Tout au long de la visite, force est de constater que le faux permet d’acquérir une multitude de prérogatives, toutes subordonnantes : le profit, la domination, le contrôle, la censure, etc. Au-delà de rendre compte d’un aperçu historique de la falsification, le musée vise à faire réfléchir, à tout mettre en place pour ne pas se laisser tromper par ce que l’on voit ou lit. Il insiste sur le fait qu’il existe des outils pouvant aider à résister face aux duperies.
Dans cette optique, l’exposition se clôt sur cette idée : aujourd’hui encore, le faux occupe une place centrale dans la société. Elle évoque le sujet brûlant qu’incarne l’épidémie de Coronavirus et tout le climat d’infodémie qui lui est désormais inhérent. Tout un chacun doit faire preuve de son esprit critique afin de lutter contre les fakes news qui circulent en masse sur le web.
Les plus du musée ? Au-delà des cartels et de la lecture, Fake For Real mise sur l’interactivité intelligente et invite le visiteur à prendre part à cette histoire du faux. Il peut par exemple décider si des textes doivent être soumis à la censure, regarder des histoires de faux qui ont sauvé des vies sous forme d’animation d’ombres, jouer à un jeu vidéo pour pulvériser les fausses informations ou encore se créer un faux compte Twitter et propager des rumeurs grâce à son incroyable communauté de followers.
L’entrée dans l’exposition s’ouvre sur un couloir très éclairé, avec une série de grands miroirs juxtaposés. Le visiteur voit son reflet et, dans l’esprit de la thématique du musée, peut se demander d’emblée si ce qu’il voit est bien réel, ou si ce n’est qu’une pâle copie de lui-même, un faux. Le reste de la visite se poursuit dans un dédale de couloirs exposant des moments clés de l’histoire du faux, la lumière est plus tamisée, il fait un peu sombre. L’ambiance est à l’interpellation et à la réflexion. En sillonnant parmi tous ces chemins, on peut prendre le temps de s’arrêter, de revenir sur nos pas, de passer certaines étapes, comme si nous créons notre propre voyage dans le temps et notre propre récit de la falsification.
L’entrée est gratuite et, la visite une fois terminée, il est possible de découvrir l’exposition temporaire dédiée à l’Histoire de l’Europe (qui vaut aussi la peine !). Et pour ceux qui ne sont pas vaccinés, car il faut présenter son Covid Safe Ticket pour accéder à la Maison de l’Histoire Européenne, vous pouvez toujours réaliser la visite virtuelle en cliquant ici .