critique &
création culturelle

Hercule

Pour une analyse subjective des films Disney, épisode 3

L’idée est simple : regarder des films Disney et se laisser submerger par l’univers mais… en gardant l’esprit vif, en relevant ce qui « cloche », ce qui pousse à la réflexion et à la critique. Entre humour et personnages profondément humains, Hercule démythifie la tradition grecque.

Pour finir en beauté cette trilogie de critiques de Disney, j’ai sélectionné un des films qui m’a particulièrement séduite, après re-visionnage. Il s’agit d’ Hercule , le 50 e long - métrage d'animation et le 35 e « classique d'animation » des studios Disney, sorti en 1997. Certes il y a des remarques à énumérer, mais cette fois-ci j’ai davantage choisi de parler de ce que j’ai ressenti que de « ce qui cloche ».

Hercule est un jeune garçon, fils des dieux de l'Olympe, enlevé et transformé en semi-mortel par son oncle, le terrible Hadès, dieu des Enfers, qui ne rêve que de renverser son frère Zeus, père d’Hercule, et de gouverner sur l’Olympe.

Hercule, de son côté, cherche à regagner sa place auprès des dieux, des immortels. Il veut aussi prouver à son père Zeus qu'il peut devenir quelqu'un, plus particulièrement qu'il peut réussir à être un héros, et donc ne plus causer de tort aux gens mais les aider. Pour ce faire, il décide d’aller trouver Philoctète, l'entraîneur des héros les plus légendaires, afin qu'il s'occupe de lui. Celui-ci accepte et le transforme en héros. Hercule deviendra riche, célèbre et trouvera même l’amour auprès de la belle Mégara. Il ne lui restera plus qu’un seul et unique travail pour regagner les siens.

 

Avant de commencer, je tiens à faire une petite digression. Hercule n’échappe pas non plus à la représentation dichotomique entre le bien et le mal en présentant des personnages polarisés, entre les beaux et gentils d’un côté, les moches et méchants de l’autre. Mégara incarne la femme fatale, Hercule l’homme musclé, fort et séduisant. Hadès et ses sbires transpirent le mal et leur physique est disgracieux. Je ne m’attarderai pas sur cet aspect mais il est à nouveau omniprésent dans le long métrage et fait écho à ce que j’ai déjà détaillé dans mes deux autres articles : Kuzco et La Petite Sirène.

Un mix de légendes et de mythes grecs

Le film se base sur une tradition antique, celle de la Grèce et de ses textes épiques et mythologiques, qui, bien souvent, servent de récits moralisateurs et inspirants. Au travers d’histoires de vie, dictées par un destin tragique, le lecteur s’instruit de ces personnages antiques : Œdipe, Ulysse mais aussi Hercule. Force est de constater que le dessin animé reproduit fidèlement certains passages de la légende tout en s’appropriant d’autres, adaptés conformément à l’imaginaire Disney.

Par exemple, dans la légende, Hercule meurt atrocement. Il reçoit de son aimée une tunique empoisonnée qui le poussera à se suicider, la douleur étant devenue insupportable. Dans le film, Hercule vit encore sa jeunesse, il vient de libérer l’Olympe des Titans et part vivre des jours heureux avec Mégara. Happy ending typique des Disney.

Toujours selon le texte grec, c’est la femme de Zeus, Héra, jalouse des infidélités de son mari, qui tentera de tuer Hercule en envoyant des serpents dans son berceau. Dans Hercule, c’est Hadès qui aspire à supprimer le nouveau-né car une prophétie lui apprend qu’il ne pourra réussir à régner sur l’Olympe si Hercule vit. Il tentera de le faire empoisonner par ses deux sbires qui échoueront dans leur entreprise. C’est d’ailleurs parce qu’ils n’ont pas réussi à faire avaler tout le poison à Hercule bébé que ce dernier deviendra partiellement mortel, et devra rejoindre le monde des hommes.

Il est par ailleurs intéressant de noter que le dessin animé ne reprend pas uniquement la légende épique d’Hercule. En effet, il y a un mélange de mythes : on retrouve le personnage de Pégase, le Cyclope et les Titans, qui font partie d’autres récits de la mythologie grecque. À cet égard le film s’autorise quelques libertés mais l’effet est d’autant plus « antiquisant » et apprécié. On a l’impression d’être plongé dans un univers ancien, voire ancestral, dont les coutumes et les mœurs nous sont inconnus. Pourtant, on ressent une certaine forme d’appartenance et de respect. Après tout, notre culture occidentale actuelle nous la devons en partie à la Grèce Antique…. Les créatures, elles, apportent l’aspect surnaturel et passionnant qui envoûte le lecteur et l’emmène loin de la réalité de son canapé.

Une quête épique initiatique

Outre un condensé mythologique explosif, Hercule est aussi l’histoire d’un jeune garçon qui se cherche. Le film se pose comme une quête initiatique dont le héros incarne une âme en perdition. Hercule a tout pour réussir, tout pour plaire, pourtant il ne sait pas ce qu’il veut, ni qui il est vraiment. Il part à la recherche de ses parents et une fois qu’il découvre sa véritable identité, il reste incertain. Un héros qui tout à coup prend les traits de tout un chacun, aux prises avec une vie dont il n’est pas le maître.

Cette réalité imprègne tout le film : Hercule est avant tout un être humain qui pense, réfléchit et doute. Il n’a rien de l’assurance divine de son père : au contraire, il est même un peu maladroit, un défaut qui l’enlisera dans des situations cocasses. Tout ceci vient en quelque sorte démythifier la tradition antique, enlever le côté tragique des textes grecs.

Une réalité renforcée par les scènes comiques et les touches d’humour présentes dans le film qui poussent à railler la tradition et le mysticisme prégnant dans la mythologie. Les personnages de Philoctète ou de Pégase sont des adjuvants aux caractères bien trempés qui servent principalement à susciter le rire. Ils se retrouvent dans de nombreuses situations qui les « déshonorent » en tant que créatures mythologiques et les banalisent.

Ce décalage est par ailleurs entretenu par l'utilisation des choristes gospel et de ce qu’elles chantent : elles aussi ont l’air sorti tout droit de la Grèce antique mais ce qu’elles fredonnent démystifie ce monde : « De zéro en héros », « une étoile est née », etc. Dès le début les cinq choristes banalisent le tragique et indiquent qu’il n’est pas question d’une histoire typiquement grecque : « non mais écoutez-le, on croirait qu'il va nous rejouer une de ces tragédies grecques ».

Le fil mise avant tout sur l’humour et pourtant il arrive à aborder des thématiques, en plus du côté antique/mythologique de la légende d’Hercule, riches et pleines de sens : la jeunesse, la recherche de soi, le besoin de reconnaissance, la célébrité, etc. Hercule dresse un portrait fidèle de l’imaginaire de la Grèce Antique tout en le pliant au carcan Disney. Tout est mélangé savamment, avec parcimonie. C’est sans doute la force de ce dessin animé. Le fil conducteur est la quête initiatique d’Hercule.

Même rédacteur·ice :

Hercule

Réalisé par John Musker et Ron Clements ,

Avec Emmanuel Garijo, Patrick Timsit, Dominique Collignon-Maurin
États-Unis, 1997,
93 minutes

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