Feu ! Chatterton
Après Aline, c’est à Feu ! Chatterton d’alimenter la scène française. La référence au poète anglais Thomas Chatterton, symbole romantique de l’homme au génie ignoré, est incontestable. Le groupe semble lui rendre un hommage tout aussi symbolique. Une interprétation tant musicale que théâtrale, qui traduit avec justesse l’empressement romantique d’un jeune maudit.
Ophélie ouvre, habillée de ses plus beaux « yeux flingues ». Telle l’ouverture d’un film d’espionnage, la première plage inspire l’aventure. Tout y est, depuis la sémantique de l’amour dangereux et foudroyant (« peur panique / yeux flingues / cœur canif ») jusqu’aux harmonies et autres ponctuations percussives typiques. Le pitch potentiel : obligé de détaler pour une de ses nouvelles missions, Chatterton délaisse avec regret celle qui semble avoir conquis si vite son cœur. Dans une nervosité adulescente, il se laisse alors entraîner par son lyrisme. À nous de le suivre.
Cette image de l’espion persiste. Car c’est dans l’esprit d’un poète que nous sommes projetés. Nous voici enquêteurs, chargés de déjouer les pièges de son langage et de sa folie poétique. Des textes comme « Le long de Léthé » sont autant de messages cryptés à déchiffrer, autant de thèmes décalés à désamorcer. Le flow d’Arthur, allié à cette voix chaleureuse et brisée, articule à merveille la démence dévouée du romantique, instable et indomptable. Et à chaque texte son lot de motifs propres à l’imaginaire du poète maudit.
L’habillement musical, bien qu’il soit le reflet plutôt fidèle d’une folle poésie, ne souffle cependant pas de vent nouveau sur la pop française. Ses rythmes disco rappellent notamment ceux de Lily Wood and the Prick, et ses élans post rock ne suffisent pas à élever son originalité. Le mérite est bien ailleurs, dans la cohérence entre texte et ambiances sonores. Car les douze poèmes qui composent Ici le jour (a tout enseveli) ne signifient pas que par les mots.